nouvion-avocats.com

Investissements des pays du Golfe en Afrique : expansion du réseau de conventions fiscales

Les pays du Conseil de Coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Qatar, Oman, Koweït, Bahreïn), et en particulier les Emirats Arabes Unis, ont ces dix dernières années développé une politique active d’investissements sur le continent africain, parfois en association avec des investisseurs (en particulier européens) présents de longue date ou disposant d’expertises techniques particulières (comme cela a récemment été constaté avec des collaborations stratégiques dans le secteur portuaire). Cela les a conduits à tisser un réseau aujourd’hui étoffé de conventions fiscales bilatérales attractives, couplées à des accords commerciaux ou de promotion et de protection des investissements.

Les points clés

Les États du Golfe ont significativement étoffé leur réseau de conventions fiscales pour accompagner leur stratégie d’investissement direct en Afrique (investissements parfois réalisés dans le cadre de collaborations stratégiques avec des acteurs européens).

Les conventions fiscales signées ces dernières années se caractérisent par des taux de retenue à la source généralement avantageux.

Les investissements dans le secteur des hydrocarbures et des mines font l’objet de dispositions spécifiques.

Le bénéfice des avantages conventionnels pourra dans certaines situations être remis en cause en cas de montage ou transaction à but principalement fiscal – ou lorsqu’une entité ne pourra être considérée comme résidente de l’autre Etat contractant (une étude approfondie de l’étendue de l’assujettissement à l’impôt peut parfois s’avérer nécessaire).

Autres publications

Les traités fiscaux bilatéraux jouent un rôle clé dans la stratégie d’attractivité des pays du Golfe pour les entreprises souhaitant développer leurs activités en Afrique, en offrant des avantages fiscaux importants et en garantissant une sécurité juridique accrue aux investisseurs.

Dans ce cadre, les Émirats Arabes Unis (EAU) se distinguent actuellement comme le pays du Golfe disposant du réseau de conventions le plus développé en Afrique – notamment francophone -, avec des accords récemment signés, entre autres, avec le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, la République Démocratique du Congo (RDC), ou encore récemment le Bénin.

Il peut être parfois délicat de déterminer si ces conventions sont pleinement en vigueur en l’absence de publications ou d’annonces officielles de la part de certains États, ce qui peut rendre nécessaire une vérification formelle auprès des autorités fiscales des pays concernés.

1/ Des taux de retenue à la source globalement favorables pour les revenus du capital et les redevances

Les conventions fiscales signées par les pays du Golfe se caractérisent par des taux de retenue à la source généralement avantageux.

En matière de dividendes, ces conventions fiscales offrent des taux de retenues à la source particulièrement compétitifs (voir par exemple la convention fiscale entre l’Arabie Saoudite et le Gabon, prévoyant un taux de retenue de 5%) et permettent même dans certains cas d’éliminer totalement toute retenue à la source dans l’Etat de résidence du payeur (voir par exemples les conventions conclues entre les EAU et la Guinée, la RDC ou le Mozambique, qui  exonèrent de retenue à la source les distributions de dividendes).

En matière d’intérêts et de redevances, les taux apparaissent également globalement favorables (entre 0% – par exemple sur les intérêts dans la convention fiscale conclue entre les EAU et la RDC – et 10%) que ceux prévus par les conventions fiscales conclues avec les partenaires historiques.

2/ Le cas particulier des services techniques

De nombreuses législations fiscales d’Afrique sub-saharienne prévoient l’application de retenues à la source sur les services rendus où simplement utilisés localement, à des taux parfois significatifs (par exemple 25% au Gabon), qui s’appliquent notamment aux services d’assistance technique intra-groupe.

Dans ce contexte la plupart des conventions conclues entre les Etats du Golfe et les Etats d’Afrique contiennent des dispositions spécifiques à travers :

  • un article original et spécifique dédié aux « honoraires des services techniques » définis de manière large et couvrant tout service de gestion, de technique ou de conseil (voir par exemple les conventions conclues entre les EAU et la RDC, le Gabon ou la Côte d’Ivoire qui permettent de limiter le taux de retenue à respectivement 5%, 7,5% et 10%) ; ou
  • l’intégration des rémunérations de services techniques dans la définition des redevances, qui permet de limiter avantageusement les taux de retenues à la source applicables localement (voir par exemple la convention conclue entre les EAU et le Cameroun, 10%, ou la convention entre l’Arabie Saoudite et le Gabon, 10%).

En outre, ces conventions peuvent permettre dans certaines hypothèses de déroger aux -parfois très fortes- limitations de déductibilité récemment fixées par les législations de l’Etat du payeur, notamment en matière de frais d’assistance technique, lorsque de telles limitations constituent des discriminations auxquelles s’opposent les conventions.

3/ Une définition étendue de l’établissement stable

Les conventions fiscales conclues récemment entre les pays du Golfe et les Etats d’Afrique francophone (à l’instar des conventions fiscales conclues récemment par la France, par exemple avec la Chine ou avec la Colombie) adoptent une définition relativement étendue des établissements stables, inspirée du modèle de convention fiscale des Nations Unies plutôt que de celui de l’OCDE, en incluant les établissements stables dits de « services ».

Au sens de ces conventions, les prestations de services (y compris de conseil) rendues localement par des employés ou représentants d’une entreprise étrangère caractérisent un établissement stable de cette entreprise si les prestations excèdent une durée déterminée. Cette durée peut être calculée sur une période déterminée (six mois sur une période de douze mois – voir par exemple article 6.3 de la convention conclue entre les EAU et la RDC) ou non (voir par exemple l’article 6.4 de la convention fiscale entre les EAU et le Cameroun qui prévoit uniquement la poursuite des services pendant « une ou des périodes représentant un total de 6 mois »).

En outre, certaines conventions conclues avec les EAU contiennent des particularités à prendre en compte notamment dans le secteur des ressources naturelles. A titre d’exemple les conventions fiscales conclues avec la Côte d’Ivoire ou le Cameroun prévoient que l’expression établissement stable englobe les services ou la fourniture d’équipements et engins de location utilisés pour la prospection et l’exploitation de ressources naturelles (articles 5.3 et 6.6). Au sens de la convention fiscale conclue avec le Gabon, l’expression comprend « tout lieu d’extraction et d’exploitation des ressources naturelles ou autre activité s’y rapportant ».

4/ Des clauses spécifiques aux activités pétrolières et minières dans les conventions conclues par les EAU

Une clause propre au réseau conventionnel des EAU permet, nonobstant toute autre disposition des conventions fiscales, d’attribuer à chaque Etat le droit d’appliquer sa législation interne aux revenus issus des activités d’hydrocarbures (et des mines dans le cas de la convention conclue entre les EAU et la RDC).

Certaines conventions (par exemples celles avec le Cameroun ou le Gabon) étendent cette clause à toutes les « activités connexes », ce qui peut s’avérer source d’incertitude.

5/ Une possible remise en cause des avantages conventionnels

Certaines conventions conclues récemment intègrent une clause anti abus générale inspirée de l’instrument multilatéral (par exemple article 29 des conventions conclues entre les EAU et le Cameroun ou la RDC). Cette clause permet de remettre en cause les avantages conventionnels (taux de retenue réduit par exemple) lorsqu’il est raisonnable de conclure que l’octroi de cet avantage est l’un des objectifs principaux d’un montage ou d’une transaction.

En l’absence de telles clauses, la remise en cause des avantages conventionnels pourrait également être mise en œuvre si l’entité établie dans l’Etat du Golfe ne répond pas à la définition conventionnelle de « résident » de cet Etat (à apprécier au cas par cas compte tenu de définitions parfois inédites contenues dans les conventions conclues avec les pays du Golfe), par exemple si cette dernière ne peut être regardée comme « assujettie à l’impôt » ou n’y est assujettie que pour les revenus de sources situées dans cet Etat (une étude approfondie de l’étendue de l’assujettissement peut s’avérer nécessaire).

fr_FR
Retour en haut