Les valeurs mobilières composées et valeurs mobilières subordonnées: réforme du Droit des Sociétés OHADA
Article publié au Recueil Penant n°887 Juin 2014
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L’Acte Uniforme OHADA sur les sociétés commerciales du 17 avril 1997 (« l’ancien Acte OHADA sur les sociétés commerciales ») a été révisé par le Conseil des Ministres OHADA le 30 janvier 2014.
L’Acte OHADA révisé, ayant été publié au Journal Officiel de l’OHADA le 4 février 2014, est entré en vigueur 90 jours après cette publication, soit le 5 mai 2014. Les sociétés et groupements existants ont deux ans à compter de cette entrée en vigueur pour mettre leurs statuts en harmonie avec le nouvel Acte Uniforme.
Avant d’évoquer les nouveaux concepts introduits par cette réforme, rappelons que la validité des émissions de valeurs mobilières « complexes » ou « composées » (telles les obligations convertibles en actions) était jusqu’ici débattue par la doctrine et par suite source d’insécurité pour les praticiens.
L’ancien Acte OHADA sur les sociétés commerciales
L’ancien Acte distinguait ainsi très classiquement, dans le Titre II du Livre IV de la Deuxième Partie, intitulé « Valeurs mobilières et autres titres émis par les sociétés anonymes», les deux grandes catégories de valeurs mobilières que sont les actions (Chapitre II) et les obligations (Chapitre III).
L’Article 744 alinéa 1 (Section 1 : Définition du Chapitre I : Dispositions communes du Titre 2 : valeurs mobilières) prévoyait ainsi que « les sociétés anonymes émettent des valeurs mobilières dont la forme, le régime et les caractéristiques sont énumérées au présent Titre ».
Une conception a priori restrictive des valeurs mobilières était ainsi retenue. Cette conception restrictive était toutefois contrebalancée par une définition plus large des valeurs mobilières donnée par l’Article 744 alinéa 2 (deuxième partie de la définition), prévoyant de façon plus générale que celles-ci «confèrent des droits identiques par catégorie et donnent accès directement ou indirectement à une quotité du capital de la société émettrice, ou à un droit de créance général sur son patrimoine. Elles sont indivisibles à l’égard de la société émettrice ».
Ce deuxième alinéa de l’article 744, plus ouvert, a pu faire dire à certains auteurs que « l’acte uniforme [ancien] offre ainsi un potentiel d’évolution pour les sociétés émettrices, sur une base conventionnelle » et que « les SA peuvent créer d’autres valeurs mobilières dont le régime est laissé à la libre appréciation des parties ».
Le Chapitre IV du Titre II étant de surcroit intitulé de façon très générale « Autres valeurs mobilières », certains y voyaient un élément confirmant que le droit OHADA autorisait, au delà des concepts classiques, les constructions juridiques « complexes » mêlant notamment actions et obligations. Cela ne pouvait toutefois emporter totalement la conviction puisque ce chapitre IV – ne contenant qu’un seul article – ne visait en réalité que les seules obligations subordonnées.
Monsieur le Professeur Issa-Sayegh, dans le silence de l’ancien Acte OHADA, s’appuyait sur le décret 53-811 du 25 février 1953 organisant l’émission d’obligations convertibles (ayant survécu à l’entrée en vigueur de l’ancien Acte OHADA sur les sociétés commerciales) et sur la liberté contractuelle prévalant dans le régime des obligations, pour conclure à la possibilité de mettre en place des obligations convertibles en actions.
Ces positions doctrinales, en faveur de la possibilité d’émettre des valeurs mobilières composées, étaient à l’inverse questionnées par d’autres auteurs, plus réticents à reconnaitre la validité de tels instruments juridiques non expressément définis et organisés par l’Acte OHADA sur les sociétés commerciales.
La jurisprudence n’a jamais eu à se prononcer sur ces questions, auxquelles le droit OHADA se devait d’apporter une réponse en adoptant un régime spécifique des valeurs mobilières composées, que la doctrine – mais aussi les acteurs économiques – appelaient de leurs vœux.
Une attente des acteurs économiques
L’absence de cadre juridique défini et les débats doctrinaux concernant les émissions de valeurs mobilières composées ont très fortement limité le recours à ce type d’instruments dans l’espace OHADA.
L’émission de valeurs mobilières composées apparait pourtant de plus en plus souvent comme une composante importante du financement des entreprises dans les économies développées (notamment aux États-Unis, à l’origine des titres complexes) mais également dans les économies en voie de développement, répondant ainsi au besoin de « sur mesure » des investisseurs financiers qui souhaitent dans la plupart des cas pouvoir disposer de leviers pouvant porter cumulativement ou alternativement sur le capital et/ou sur la dette.
Très prisées par les marchés boursiers, les valeurs mobilières composées sont également un outil essentiel des opérations de « private equity », en fort développement dans l’espace OHADA dans lequel interviennent désormais de plus en plus de fonds d’investissements ou de family office.
C’est ainsi que l’Acte OHADA révisé a refondu le droit commun des valeurs mobilières (I) et introduit un régime spécifique des valeurs mobilières composées (II), que nous présentons ci-après. Cette réforme s’est par ailleurs accompagnée d’une clarification et d’une extension du régime des valeurs mobilières subordonnées (III).
Relevons également que l’essor de la pratique des valeurs mobilières composées s’est accompagné de celui des actions dites de préférence (preferred shares, également « importées » des États-Unis), permettant aux actionnaires de librement prévoir que certaines actions disposeront de droits privilégiés, en leur attribuant des droits de vote ou des droits financiers supérieurs à d’autres actions, temporairement ou non. Afin de compléter le régime des valeurs mobilières composées mis en place, nous relèverons qu’un régime spécifique des actions de préférence a également été introduit dans l’Acte Uniforme OHADA révisé (Articles 778-1 et suivants). Ce régime fait l’objet d’une étude séparée.
Le droit commun révisé des valeurs mobilières
L’Acte OHADA révisé reprend en profondeur le droit commun des valeurs mobilières en (i) clarifiant la notion de valeurs mobilières, (ii) en généralisant leur « dématérialisation » (iii) tout en limitant la possibilité pour certaines valeurs mobilières de revêtir la forme de « titre au porteur ».
Une clarification de la notion de « valeurs mobilières »
L’acte uniforme OHADA révisé opère une clarification de la définition des valeurs mobilières et des différentes catégories qu’elles recouvrent, qui comme on l’a vu étaient autrefois composées des actions, obligations et des autres valeurs mobilières, sans que cette dernière catégorie ne soit clairement définie et délimitée.
Afin que la notion puisse être mieux appréhendée, l’article 744 de l’acte uniforme révisé prévoit désormais que les valeurs mobilières, qui ne peuvent être émises que par des sociétés par actions (SA, et désormais SAS), peuvent se distinguer (i) « négativement », d’autres titres ou contrats financiers et (ii) « positivement », par références à leurs caractéristiques intrinsèques.
(i) Les valeurs mobilières se distinguent ainsi, « négativement », des autres titres financiers, des titres du marché monétaire ou des contrats financiers, qui peuvent également être émis par les sociétés par actions conformément à l’Acte OHADA révisé :
Les valeurs mobilières se distinguent ainsi, tout d’abord, des autres titres financiers.
Cette « distinction » – qui n’en est pas vraiment une compte tenu des termes généraux utilisés – met opportunément les règles de l’OHADA en cohérence avec la possibilité pour les Autorités régionales chargées d’organiser les marchés financiers (dans l’UMOA ou la CEMAC) selon les règles qui leurs sont propres et qui peuvent effectivement s’avérer « concurrentes » avec les règles de l’OHADA.
Les valeurs mobilières se distinguent en outre, de façon plus précise :
- des titres du marché monétaire, dont les régimes et caractéristiques sont définis par l’organe compétent de chaque État partie;
- des contrats financiers, également dénommés instruments financiers à terme (tels des SWAPs), le cas échéant dans les conditions fixées par l’autorité compétente de chaque État Partie.
(ii) Les valeurs mobilières se distinguent par ailleurs, « positivement », en deux catégories :
- les titres de capital ;
- les titres de créance (autres que les titres du marché monétaire, c.f. supra) ;
ayant pour caractéristiques intrinsèques (reprises à l’identique de l’ancien Acte Uniforme):
- de conférer des droits identiques par catégorie et donner accès directement ou indirectement à une quotité du capital de la société émettrice, ou à un droit de créance général sur son patrimoine ;
- et d’être indivisibles à l’égard de la société émettrice.
Un régime unifié des valeurs mobilières désormais toutes « dématérialisées »
L’Acte OHADA révisé crée un article 744-1 fixant un régime juridique unique des valeurs mobilières qui, quelle que soit leur forme, doivent désormais être inscrites en compte au nom de leur propriétaire et se transmettent par virement de compte à compte.
La transition vers un système unique de dématérialisation des valeurs mobilières, qui jusqu’ici pouvaient encore être transférées par simple « tradition » pour les actions au porteur (Art 764-1°), est ainsi opérée par le droit OHADA pour toutes les sociétés par actions et pour toutes les valeurs mobilières (actions mais aussi obligations, ainsi que valeurs mobilières composées désormais expressément réglementées).
L’Acte révisé prévoit ainsi désormais que le transfert de propriété résulte de l’inscription des valeurs mobilières au compte-titre de l’acquéreur.
L’inscription des valeurs mobilières est effectuée à la date fixée par l’accord des parties et notifiée à la société émettrice (ou selon les règles fixées par les autorités de marché pour les valeurs mobilières admises aux opérations d’un dépositaire central ou livrées dans un système de règlement et de livraison agréé).
Une limitation de la forme de « titre au porteur »
Les valeurs mobilières, qui comme indiqué ci-dessus, sont inscrites en compte au nom de leur propriétaire et se transmettent par virement de compte à compte, peuvent revêtir la forme d’un titre au porteur ou d’un titre nominatif.
Cela étant, la forme de titre au porteur est désormais interdite aux actions non cotées par l’Acte OHADA révisé (Article 748-1).
Des titres aux porteurs ne pourront en principe désormais être émis que pour les actions de sociétés cotées, ou les obligations (ou certaines valeurs mobilières composées, de sociétés cotées si elles donnent accès au capital) selon les termes du contrat d’émission.
Cette révision du droit commun des valeurs mobilières, aux contours désormais plus clairement délimités, s’est accompagnée d’une flexibilité nouvelle offerte aux investisseurs: l’introduction des valeurs mobilières composées, accompagnée de la clarification du régime des valeurs mobilières subordonnées.
Les valeurs mobilières composées
Objet des valeurs mobilières composées : la création d’outils financiers « sur-mesure »
L’Acte OHADA révisé crée un Titre 2-2 nouveau intitulé « Valeurs mobilières composées », inséré dans le Livre 4 de la Deuxième Partie consacré aux sociétés anonymes (et donc aux sociétés par actions simplifiées, par renvoi général opéré par l’article 853-3).
Les valeurs mobilières composées sont des « valeurs mobilières » (soumises à ce titre au droit commun des valeurs mobilières), mais donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créance (Article 822 de l’Acte OHADA révisé, 1er article du Titre 2-2 nouveau).
Relevons que ce type d’instruments est réservé aux sociétés par actions (SA et SAS), cotées ou non. Ces nouvelles valeurs mobilières devraient répondre aux besoins d’adaptation et de « sécurisation » des instruments juridiques complexes jusqu’ici très peu utilisés dans l’espace OHADA, tels qu’exprimés par les intervenants des marchés financiers réglementés mais également par les différents fonds de private equity de plus en plus actifs dans la zone OHADA.
Distinction d’un titre primaire et secondaire
Cette faculté nouvelle offerte aux sociétés par actions conduit à distinguer :
- un titre primaire émis par la société, qui constitue lui-même une valeur mobilière, à savoir un titre de capital ou un titre de créance (voir l’article 744 précité de l’Acte OHADA révisé) ;
- qui donne accès ou droit à un titre secondaire, qui peut lui-même consister en un titre de capital (actions, actions de préférence) ou un titre de créance (obligation).
Consécration d’un principe de libre création offrant de multiples combinaisons possibles
Telles que définies, les valeurs mobilières composées laissent place à un grand nombre de combinaisons possibles, les rédacteurs n’ayant pas voulu enfermer celles-ci dans une liste restrictive mais favoriser en contraire la création d’outils financiers « sur mesure ».
Le titre primaire, défini de façon générale comme une valeur mobilière, pourra donc, selon des modalités prévues lors de son émission (dans le contrat d’émission) être converti, échangé ou remboursé contre un titre de capital ou un titre de créance.
En effet, les termes généraux utilisés, « d’accès au capital » ou de « droit à attribution » de titres de créances, laissent à penser qu’une grande liberté est également laissée (dans le contrat d’émission) pour définir le procédé de « passage » du titre primaire au titre secondaire, qui pourra ainsi consister en un droit de conversion, d’échange, de remboursement, ou même l’exercice d’un bon (c.f. infra).
De même, la qualité initiale reconnue au détenteur du titre primaire (actionnaire ou obligataire) pourra in fine être perdue lors du « passage » au titre secondaire, ou maintenue, selon la nature de la valeur mobilière composée et/ou les stipulations du contrat d’émission.
Relevons enfin que l’Acte uniforme OHADA révisé autorise le contrat d’émission à prévoir que les valeurs mobilières (titre primaire) et les titres de capital ou de créance (titre secondaire) auxquelles elles donnent droit ne peuvent être cédés et négociés qu’ensemble (Article 822-2).
Cela permet par exemple la création de valeurs mobilières (telles des obligations) dont la faible rémunération ne serait attractive que pour autant qu’elle donne droit à des actions de préférence, justifiant que ces deux instruments ne puissent être négociés séparément.
Actions nouvelles (ou existantes ?)
L’Acte OHADA révisé envisage très clairement que « l’accès au capital » (i.e. le titre secondaire) que confère la valeur mobilière composée se fait par émission d’actions nouvelles, donc par augmentation du capital social (selon des modalités simplifiées – Article 822-16, voir infra).
Cela semble cohérent, compte tenu de l’interdiction faite aux sociétés de racheter leurs propres actions sauf pour les annuler ou pour les attribuer gratuitement aux salariés ou dirigeants (Articles 639 et suivants de l’Acte OHADA révisé).
La mise en place, en application du droit OHADA, de valeurs mobilières donnant accès à des actions existantes (à acquérir par la société elle-même pour les attribuer au détenteur du titre primaire) sera délicate en pratique, sauf à ce que la valeur mobilière donne accès au capital d’une autre société du groupe, ce qui est désormais possible (voir infra nos commentaires sur les émissions d’OCEANE).
Extension aux opérations des groupes de sociétés
La liberté de création se trouve également étendue à l’émission de valeurs mobilières de sociétés d’un même groupe de sociétés (Article 822-6). Une société anonyme ou par actions simplifiée pourra ainsi émettre des valeurs mobilières composées (actions, obligations, bons) donnant accès, in fine, au capital :
- de la société « mère » de l’émetteur du titre primaire (possédant directement ou indirectement plus de la moitié de son capital) ;
- au capital de la « filiale » de l’émetteur du titre primaire (possédée directement ou indirectement à plus de 50%).
Limite aux conversions des titres de capital
Un garde-fou est toutefois intégré : il est précisé que les titres de capital ne peuvent être convertis ou transformés en valeurs mobilières représentatives de créances. Une action ne saurait donc être convertie en obligation (Art 822-3 de l’Acte OHADA révisé).
Cette mesure est notamment adoptée afin d’empêcher des conversions de titre de capital en titre de créances, bénéficiant d’un meilleur rang, à l’approche d’une procédure collective.
Mise à l’écart de la réglementation des promesses d’actions
Levant le doute qui entourait les opérations jusqu’ici mises en place à cet égard – ce qui générait une source d’insécurité très préjudiciable à leur mise en œuvre en pratique -, l’article 822-4 de l’Acte OHADA révisé vient opportunément préciser que les émissions de valeurs mobilières composées faites en application des articles 822 et suivants dudit Acte ne constituent pas une promesse d’actions dont la négociation est interdite par l’article 760 de l’Acte OHADA révisé.
Exemples de combinaisons possibles
Obligations convertibles en actions (OCA)
L’obligation convertible est une obligation à laquelle est adjointe une option de conversion de l’obligation en actions. Cette option donne la faculté à son porteur de convertir l’obligation, selon des conditions prédéterminées dans le contrat d’émission, en actions nouvelles émises par la société au moment de l’opération de conversion.
En contrepartie de cette possibilité offerte à l’obligataire de devenir actionnaire de la société, la rémunération de la composante obligataire d’une obligation convertible est généralement plus faible que celle dont pourrait bénéficier une obligation « classique ».
Il s’agit en effet d’une caractéristique essentielle de ce type d’émission obligataire : l’émetteur propose au souscripteur de diminuer le taux actuariel auquel il peut prétendre en contrepartie de l’octroi d’une option de conversion pouvant être à l’origine de gains importants.
Pour l’émetteur, ce type d’émission obligataire peut donc permettre un financement à des taux inférieurs à ceux d’une dette classique, sans toutefois affecter (au moins dans un premier temps) le capital social.
Comme indiqué supra, les émissions d’obligations convertibles en actions étaient jusqu’ici jugées possibles par certains auteurs sous l’égide de l’ancien Acte Uniforme OHADA, mais ont été peu mises en place en pratique compte tenu des incertitudes juridiques pesant sur leur validité.
Obligations convertibles ou échangeables en actions nouvelles ou existantes (OCEANE)
S’agissant des obligations convertibles ou échangeables en actions nouvelles ou existantes (OCEANE), l’émetteur peut rembourser le titulaire de l’obligation en actions nouvelles (comme pour les OC) mais également en actions existantes (en principe à racheter lui-même) afin d’éviter une dilution de son capital.
Pour ce type d’émissions, il conviendra toutefois de prendre garde aux dispositions des articles 639 et suivants de l’Acte OHADA révisé, interdisant aux sociétés de racheter leurs propres actions sauf pour les annuler ou pour les attribuer gratuitement aux salariés ou dirigeants.
Des émissions d’OCEANE pourraient ainsi être plus aisément envisagées pour des obligations donnant droit à attribution d’actions d’une société mère ou filiale de l’émetteur de l’obligation, afin de ne pas encourir cette interdiction pour la société de racheter ses propres titres (sous réserve toutefois des règles d’autocontrôle par ailleurs définies aux articles 177 et s de l’Acte OHADA révisé).
Obligations avec bons de souscription d’actions (OBSA)
La particularité des OBSA est de permettre à leur titulaire, s’il le souhaite, de souscrire des actions tout en conservant le titre obligataire. Le contrat d’émission peut ainsi prévoir que les bons de souscription peuvent être détachés des obligations, et négociables séparément. Rappelons à cet égard que l’Acte OHADA révisé autorise
(Article 822-2) le contrat d’émission à prévoir que les valeurs mobilières et les titres de capital ou de créances auxquelles elles donnent droit ne puissent être cédés et négociés séparément.
Cette catégorie de valeur mobilière composée peut par ailleurs s’avérer utile afin de parer à d’éventuelles prises de contrôle inamicales, lorsque les obligations sont détenues par des entités amies.
Obligations remboursables en actions (ORA)
La particularité des ORA est que le remboursement des obligations se fait exclusivement en actions, l’émetteur n’ayant donc pas à « décaisser » le remboursement de son émission obligataire.
L’intérêt pour le souscripteur est une augmentation de valeur de l’action entre l’émission del’ORA et le remboursement effectif en actions.
Obligations avec bons de souscription d’obligations (OBSO)
La définition très large des valeurs mobilières composées donnée par l’Acte OHADA révisé autorise également l’émission de valeurs mobilières composées dont le titre secondaire est une obligation, telles les OBSO.
Cette catégorie de valeur mobilière composée donne droit à son titulaire de souscrire à une autre obligation, ce qui peut s’avérer rémunérateur en cas de baisse des taux d’intérêts.
Cet avantage potentiel peut ainsi permettre à l’émetteur de réduire les intérêts de l’émission.
Bons de souscriptions d’actions - BSA - ou d’obligations - BSO – (bons « secs » ou « autonomes »)
Les rédacteurs n’ont pas expressément prévu la possibilité d’émettre des « bons autonomes » (ou « bons secs ») de souscriptions d’actions ou d’obligations, non adossés à une obligation ou une action d’ores et déjà émise.
Il pourrait être cependant avancé que la définition large donnée aux valeurs mobilières composées devrait permettre de qualifier ces bons de souscription de valeurs mobilières aux termes de l’article 822 précité, en ce qu’ils constituent une avance sur une augmentation de capital social à venir (pour les BSA) ou une avance sur une émission obligataire à venir, et donc une « créance » sur la société donnant accès in fine au capital ou à une autre créance.
L’émission de BSA ou de BSO nous semble donc désormais possible, y compris pour les sociétés non cotées, au regard de la définition très large des valeurs mobilières composées retenue par l’article 822 de l’Acte OHADA révisé.
Régime juridique des valeurs mobilières composées
L’émission des valeurs mobilières composées
Émission de valeurs mobilières composées donnant accès au capital de la société émettrice (exemple : Obligation avec Bons de Souscription d’Actions de l’émetteur)
Décision d’émission de valeurs mobilières composées
L’émission est, à peine de nullité, autorisée par l’assemblée générale extraordinaire de l’émetteur selon les modalités prévues pour les augmentations de capital aux articles 562 à 572 et 588 à 618 de l’Acte OHADA révisé (Article 822-5).
Dès lors que l’autorisation de l’assemblée générale extraordinaire est donnée, la décision d’émission peut désormais être véritablement déléguée au Conseil d’Administration ou à l’Administrateur Général, pour une durée ne pouvant excéder 24 mois et selon un plafond défini (Article 567-1 de l’Acte OHADA révisé).
A noter également que, comme précédemment, lorsque l’augmentation de capital est décidée par l’assemblée générale extraordinaire, la réalisation de l’augmentation de capital (en une ou plusieurs fois) et la fixation de ses modalités peut être déléguée au Conseil d’Administration ou à l’Administrateur Général (Article 568 de l’Acte OHADA révisé).
Rapport à émettre
L’assemblée générale extraordinaire se prononce sur le rapport :
- du conseil d’administration ou du président de la société par actions simplifiée ou de l’administrateur général, selon le cas ;
- et sur le rapport spécial du commissaire aux comptes, même si l’augmentation de capital a lieu avec maintien du droit préférentiel de souscription (Article 822-5, c.f. infra).
Les rapports indiquent notamment les caractéristiques des valeurs mobilières donnant accès au capital, les modalités d’attribution des titres de capital auxquels ces valeurs mobilières donnent droit, ainsi que les dates auxquelles peuvent être exercés les droits d’attribution.
Droit préférentiel de souscription à la valeur mobilière composée à émettre
Les actionnaires d’une société émettant des valeurs mobilières donnant accès au capital ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription de ces valeurs mobilières (Article L 822-1).
Ce droit préférentiel s’exerce dans les mêmes conditions que le droit préférentiel des augmentations de capital ordinaires, prévu aux articles 573 à 587-2 et 593 à 597 de l’Acte OHADA révisé.
Ce droit préférentiel de souscription concerne la valeur mobilière composée à émettre, et non le titre de capital « différé » auquel la valeur mobilière donne droit in fine (titre « secondaire ») pour lequel la décision d’émission de la valeur mobilière composée emporte automatiquement renonciation des actionnaires à leur droit préférentiel de souscription (Article 587-2).
Ainsi, les actionnaires auront un droit préférentiel de souscription à une obligation convertible en actions, mais ne pourront plus faire valoir un tel droit lors de l’augmentation de capital effective réalisée lors de la conversion des obligations en actions.
Ce droit préférentiel de souscription à la valeur mobilière composée peut toutefois:
- être supprimé, en faveur d’un ou de plusieurs bénéficiaires nommément désignés, étant précisé que lesdits bénéficiaires ne peuvent prendre part au vote s’ils sont actionnaires.
Un rapport spécial du commissaire aux comptes est établi, dans lequel il donne son avis sur la proposition de suppression (Article 591 de l’Acte OHADA révisé).
Il est à noter qu’un rapport spécial est également nécessaire lorsque l’augmentation de capital a lieu avec maintien du droit préférentiel de souscription (c.f. supra), le commissaire aux comptes devant dans cette hypothèse donner son avis sur l’émission proposée et sur le choix des éléments de calcul du prix d’émission et son montant.
- faire l’objet d’une renonciation individuelle, à personne dénommée ou sans indication de bénéficiaire, selon les conditions fixées aux articles 593 à 597 de l’Acte OHADA révisé pour les augmentations de capital ordinaires.
Application des limitations aux transmissions d’actions (Agrément/Préemption/Inaliénabilité)
Les limitations applicables le cas échéant aux transmissions d’actions (clauses d’agrément, de préemption ou d’inaliénabilité prévues dans les statuts ou les pactes d’actionnaires – en application des articles 765 à 773-1 de l’Acte OHADA révisé) sont applicables aux valeurs mobilières composées donnant accès au capital.
Une attention particulière devra donc être portée à ce sujet lors de la rédaction du contrat d’émission et préalablement à toute cession de la valeur mobilière composée.
Emission de valeurs mobilières composées donnant accès au capital d’une autre société du groupe (exemple : Obligation avec Bons de Souscription d’Actions d’une filiale)
Comme nous l’avons vu précédemment, une société anonyme ou une société par actions simplifiée peut également émettre des valeurs mobilières qui donneront accès, in fine (« titre secondaire »), au capital de sa société mère ou filiale (i.e. d’une société « qui possède directement ou indirectement plus de la moitié de son capital ou de la société dont elle possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital »).
Dans cette hypothèse, l’émission se fait selon les mêmes modalités que celles décrites ci-dessus et doit être autorisée par l’assemblée générale extraordinaire (AGE) de chaque société, à savoir :
- autorisation de l’AGE de la société appelée à émettre ces valeurs mobilières, et
- autorisation de la société (mère ou filiale) au sein de laquelle les droits sont exercés in fine.
A défaut de telles autorisations, l’émission est nulle.
S’agissant du droit préférentiel de souscription, il devrait en revanche selon nous logiquement être réservé aux actionnaires de la société émettant la valeur mobilière (i.e. le titre « primaire »), conformément à l’article 822-1 de l’Acte OHADA révisé qui prévoit que les actionnaires d’une société émettant des valeurs mobilières donnant accès au capital ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription de ces valeurs mobilières.
Émission de valeurs mobilières composées donnant droit à l’attribution de titres de créances (exemple: Obligation avec Bons de Souscription d’Obligation de l’émetteur OBSO)
S’agissant de titres complexes, l’Acte OHADA révisé requiert que l’émission de valeurs mobilières donnant droit à l’attribution de titres de créances soit également autorisée par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires, dans les mêmes conditions que celles prévues pour l’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital (Article 822-5 de l’Acte OHADA révisé).
Dans le cas d’émission de valeurs mobilières donnant droit à l’attribution de titres de créances composées uniquement de titres de créances (par exemple des OBSO), le rapport du commissaire aux comptes porte sur la situation d’endettement de la société, à l’exclusion du choix des éléments de calcul du prix d’émission.
La réalisation simplifiée de l’augmentation de capital différée
Formalités allégées de l’augmentation de capital différée
L’augmentation de capital différée, résultant de l’exercice des droits attachés aux valeurs mobilières donnant accès au capital (et de la nécessite d’émettre le « titre secondaire »), donne lieu à des formalités simplifiées :
- il n’est pas nécessaire de procéder à la publicité préalable à la souscription : l’avis requis par l’article 598 de l’Acte OHADA révisé n’a pas à être (à nouveau) envoyé aux actionnaires, puisque ceux-ci en ont déjà eu communication préalablement à l’émission du « titre primaire » (c.f. Article 598 al 2 qui prévoit qu’en cas d’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital, l’avis mentionne également les principales caractéristiques des valeurs mobilières, notamment les modalités d’attribution des titres de capital auxquels elles donnent droit, ainsi que les dates auxquelles les droits d’attribution peuvent être exercés) ;
- les bulletins de souscription sont simplifiés et n’ont pas à mentionner le montant et les modalités de l’augmentation de capital (nominal des actions, prix d’émission) et à distinguer les montants à souscrire en actions de numéraire et le montant libéré par apports en nature ;
- ne sont pas applicables les règles habituelles de libération des actions, de dépôt des fonds, de versement par compensation, de retrait des fonds, et il n’est pas nécessaire d’établir une déclaration notariée de souscription et de versement (DNSV).
Date de réalisation
Contrairement aux augmentations de capital de droit commun, qui restent réputées réalisées (lorsqu’elles sont réalisées en numéraire) à la date de l’établissement de la DNSV, l’augmentation de capital différée d’une valeur mobilière composée se trouve définitivement réalisée :
- du seul fait de l’exercice des droits lorsqu’aucun versement n’est nécessaire ;
- et, le cas échéant, des versements correspondants lorsqu’ils sont nécessaires.
Compétence déléguée pour modifier les statuts
Il appartient au conseil d’administration ou l’administrateur général (ou au Président s’il s’agit d’une SAS), selon les cas, à tout moment de l’exercice en cours et au plus tard lors de la première réunion suivant la clôture de celui-ci, de :
- constater, s’il y a lieu, le nombre et le montant nominal des actions créées au profit des titulaires de valeurs mobilières composées au cours de l’exercice écoulé ;
- et d’apporter les modifications nécessaires aux clauses des statuts relatives au montant du capital social et au nombre des titres qui le composent.
Le dépôt au greffe de la décision du conseil d’administration ou de l’administrateur général (ou du Président s’il s’agit d’une SAS) et des statuts modifiés est effectué dans un délai d’un mois.
Traitement des rompus
Compte tenu de la décomposition des valeurs mobilières composées en « titres primaires » donnant droit ou accès à des « titres secondaires », il pourra arriver que certains titres primaires ne donnent droit qu’à des fractions de titres secondaires.
Il en serait ainsi, par exemple, d’un contrat d’émission prévoyant que deux obligations donnent droit à la souscription d’une action, le titulaire disposant de 5 obligations.
L’Acte OHADA révisé prévoit dans cette hypothèse que lorsque le titulaire d’une valeur mobilière donnant accès au capital n’a pas droit à un nombre entier de titres, la fraction formant rompu fait l’objet d’un versement en espèces, ce versement étant égal au produit de la fraction d’action formant rompu par la valeur de l’action (Article 822-17 de l’Acte OHADA révisé).
Le contrat d’émission devra toutefois fixer la valeur sur laquelle sera calculée le versement en espèce à effectuer (en fonction de donnée objectives telles que le cours de bourse, l’actif net comptable, etc.), afin d’éviter tout débat sur ce point.
Possibilité de suspendre pendant trois mois l’attribution de titres de capital
En cas d’émission de nouveaux titres de capital ou de nouvelles valeurs mobilières donnant accès au capital ainsi qu’en cas de fusion ou de scission de la société appelée à émettre de tels titres, le conseil d’administration ou l’administrateur général (ou le président s’il s’agit d’une SAS), selon le cas, peut suspendre, pendant un délai maximum de trois mois, la possibilité :
- d’attribution gratuite d’actions aux salariés conformément à l’article 626-1 de l’Acte OHADA révisé ;
- d’acquérir des titres donnant accès au capital conformément à l’article 822-19 de
l’Acte OHADA révisé. Sauf stipulation contraire du contrat d’émission, les titres de capital obtenus, à l’issue de la période de suspension, par l’exercice des droits attachés aux valeurs mobilières, donnent droit aux dividendes versés au titre de l’exercice au cours duquel ils ont été émis.
Les mentions contenues dans l’avis par lequel le conseil d’administration ou l’administrateur général (ou le Président s’il s’agit d’une SAS), selon le cas, suspend la possibilité d’obtenir des titres de capital sont portées à la connaissance des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, sept jours au moins avant la date d’entrée en vigueur de la suspension. Si les valeurs mobilières de la société donnant accès au capital sont admises aux négociations sur une bourse des valeurs ou si toutes ses valeurs mobilières donnant accès au capital ne revêtent pas la forme nominative, l’avis contenant ces mentions est inséré, dans le même délai, dans un journal habilité à recevoir les annonces légales. Cet avis mentionne, outre les mentions prévues à l’article 257-1, les dates d’entrée en vigueur et de cessation de la suspension.
Sort des droits utilisés ou acquis par la société émettrice
Les droits attachés aux titres donnant accès au capital qui ont été utilisés ou qui ont été acquis par la société émettrice ou par la société appelée à émettre de nouveaux titres de capital sont annulés par la société émettrice (Article 822-19 de l’Acte OHADA révisé).
La protection des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital
Des règles spécifiques de protection des porteurs de valeurs mobilières composées ont été introduites, mais seulement pour les porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital.
Les droits dont bénéficient les porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital peuvent en effet se voir affectés, voire anéantis, par des opérations ou des décisions ultérieures de la société émettrice.
Cette protection des porteurs s’articule (i) en la mise de mécanismes spécifiques de protection contre certaines opérations de l’émetteur, (ii) en la réunion des porteurs en une « masse » et (iii) en la reconnaissance d’un droit spécifique de communication.
Encadrement spécifique de certaines opérations de l’émetteur
Les opérations interdites
À compter de l’émission de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital, et aussi longtemps qu’il existe des droits attachés à chacun des éléments de ces valeurs (Article 822- 11), la société appelée à attribuer ces titres de capital se voit interdire, sous peine de nullité (Article 822-7 et 822-8 de l’Acte OHADA révisé) :
1. de modifier sa forme ou son objet;
2. de modifier les règles de répartition des bénéfices;
3. d’amortir son capital social;
4. de procéder à une augmentation de capital réservée à des personnes dénommées (avec suppression du droit préférentiel de souscription selon la procédure des Articles 586 et suivants de l‘Acte OHADA révisé).
La modification de la forme et de l’objet (interdiction #1 ci-dessus) de la société émettrice peut toutefois être autorisée, sans autre condition, (i) en amont par le contrat d’émission et (ii) en aval par la masse des porteurs sous réserve de la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article 822-14 de l’Acte OHADA révisé (voir ci-dessous).
Les autres opérations interdites par principe (interdictions #2 à #4 ci-dessus) peuvent également être autorisées « en amont » par le contrat d’émission ou « en aval » par la masse des porteurs de titres selon la procédure prévue à l’article 822-14 de l’Acte OHADA révisé (voir ci-dessous) mais uniquement sous réserve de prendre les dispositions nécessaires au maintien des droits des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital dans les conditions définies aux articles 822-10 et suivants de l’Acte OHADA révisé (voir ci-dessous).
Relevons que des actions de préférence peuvent être créées, mais également sous réserve de prendre les dispositions nécessaires au maintien des droits des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital, également dans les conditions définies aux articles 822- 10 et suivants.
Il convient enfin de noter que la société ne peut imposer aux titulaires de valeurs mobilières donnant accès à son capital le rachat ou le remboursement de leurs droits, sauf stipulations contraires du contrat d’émission et hors le cas de dissolution anticipée ne résultant pas d’une fusion ou d’une scission (Article 822-13).
Opérations libres mais soumises à conditions
1. Nouvelles émissions de titres de capital avec droit préférentiel de souscription réservé aux actionnaires, distributions de réserves et primes et création d’actions de préférence
La société appelée à attribuer les titres de capital ou les valeurs mobilières y donnant accès doit prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts des titulaires des droits ainsi créés si elle décide de procéder à l’émission, sous quelque forme que ce soit, de nouveaux titres de capital avec droit préférentiel de souscription réservé à ses actionnaires, de distribuer des réserves, en espèces ou en nature, et des primes d’apports, d’émission ou de fusion ou de modifier la répartition de ses bénéfices par la création d’actions de préférence (Article 822-10 de l’Acte OHADA révisé).
Ces mesures nécessaires comprennent trois dispositifs distincts:
Premier dispositif (ouverture d’une période exceptionnelle) : mettre les titulaires de ces droits en mesure de les exercer, si la période prévue au contrat d’émission n’est pas encore ouverte, de telle sorte qu’ils puissent immédiatement participer aux opérations mentionnées ci-dessus ou en bénéficier ;
Nota : Pour l’application de ce premier dispositif, lorsqu’il existe des valeurs mobilières donnant accès au capital, la société qui émet de nouveaux titres de capital avec droit préférentiel de souscription réservé à ses actionnaires, si les droits attachés aux valeurs mobilières donnant accès au capital ne peuvent s’exercer qu’à certaines dates, ouvre une période exceptionnelle pour permettre aux titulaires des droits attachés à des valeurs mobilières donnant accès au capital qui exerceraient ces droits de souscrire des titres nouveaux.
La société prend, si l’exercice des droits attachés aux valeurs mobilières donnant accès au capital peut être exercé à tout moment, les dispositions nécessaires pour permettre aux titulaires qui exerceraient ces droits de souscrire des titres nouveaux.
Deuxième dispositif (exercice ultérieur des droits) : prendre les dispositions qui leur permettront, s’ils viennent à exercer leurs droits ultérieurement, de souscrire à titre irréductible les nouvelles valeurs mobilières émises, ou en obtenir l’attribution à titre gratuit, ou encore recevoir des espèces ou des biens semblables à ceux qui ont été distribués, dans les mêmes quantités ou proportions ainsi qu’aux mêmes conditions, sauf en ce qui concerne la jouissance, que s’ils avaient été, lors de ces opérations, actionnaires ;
Nota 1: pour l’application de ce deuxième dispositif, lorsqu’il existe des valeurs mobilières donnant accès au capital, la société qui procède à l’attribution gratuite d’actions vire à un compte de réserve indisponible la somme nécessaire pour attribuer lesdites actions aux titulaires des droits attachés aux valeurs mobilières donnant accès au capital qui exerceraient leur droit ultérieurement en nombre égal à celui qu’ils auraient reçu s’ils avaient été actionnaires au moment de l’attribution principale.
Nota 2: Pour l’application de ce même dispositif, lorsqu’il existe des valeurs mobilières donnant accès au capital, la société qui procède à l’attribution d’actions gratuites vire à un compte de réserve indisponible la somme nécessaire pour attribuer les actions gratuites aux titulaires des droits attachés aux valeurs mobilières donnant accès au capital qui exerceraient leur droit ultérieurement en nombre égal à celui qu’ils auraient reçu s’ils avaient été actionnaires au moment de l’attribution principale.
Troisième dispositif (ajustement des conditions): soit procéder à un ajustement des conditions de souscription, des bases de conversion, des modalités d’échange ou d’attribution initialement prévues de façon à tenir compte de l’incidence des opérations mentionnées ci-dessus.
Nota 3 : pour l’application de ce troisième dispositif, l’ajustement égalise, au centième d’action près, la valeur des titres qui sont obtenus en cas d’exercice des droits attachés aux valeurs mobilières donnant accès au capital après la réalisation de l’opération et la valeur des titres qui auraient été obtenus en cas d’exercice de ces droits avant la réalisation de l’opération.
A cet effet, les nouvelles bases d’exercice des droits attachés aux valeurs mobilières donnant accès au capital sont calculées en tenant compte :
- En cas d’opération comportant un droit préférentiel de souscription et selon les stipulations du contrat d’émission :
- Soit du rapport entre, d’une part, la valeur du droit préférentiel de souscription et, d’autre part, la valeur de l’action après détachement de ce droit telles qu’elles ressortent de la moyenne des premiers cours cotés pendant toutes les séances de bourse incluses dans la période de souscription ;
- Soit du nombre de titres émis auxquels donne droit une action ancienne, du prix d’émission de ces titres et de la valeur des actions avant détachement du droit de souscription.
Cette valeur est égale à la moyenne pondérée des cours des trois dernières séances de bourse au moins qui précèdent le jour du début de l’émission ;
- En cas d’attribution d’actions gratuites, du nombre d’actions auquel donne droit une action ancienne ;
- En cas de distribution de réserves, en espèces ou en nature, ou de primes d’émission, du rapport entre le montant par action de la distribution et la valeur de l’action avant la distribution. Cette valeur est égale à la moyenne pondérée des cours des trois dernières séances de bourse au moins qui précèdent le jour de la distribution ;
- En cas de modification de la répartition des bénéfices, du rapport entre la réduction par action du droit aux bénéfices et la valeur de l’action avant cette modification. Cette valeur est égale à la moyenne pondérée des cours des trois dernières séances de bourse au moins qui précèdent le jour de la modification ;
- En cas d’amortissement du capital, du rapport entre le montant par action de l’amortissement et la valeur de l’action avant l’amortissement. Cette valeur est égale à la moyenne pondérée des cours des trois dernières séances de bourse au moins qui précèdent le jour de l’amortissement.
Sauf stipulations différentes du contrat d’émission, la société peut prendre simultanément les mesures prévues par les premier et deuxième dispositifs ci-dessus.
Elle peut, dans tous les cas, les remplacer par l’ajustement autorisé par le troisième dispositif.
Cet ajustement est organisé par le contrat d’émission lorsque les titres de capital ne sont pas admis aux négociations sur une bourse des valeurs.
2. Réduction du capital social
En cas de réduction de capital motivée par des pertes et réalisée par la diminution du montant nominal ou du nombre des titres composant le capital, les porteurs de titres donnant accès au capital sont traités comme les actionnaires de la société : les droits des titulaires des valeurs mobilières donnant accès au capital sont réduits en conséquence, comme s’ils les avaient exercés avant la date à laquelle la réduction de capital est devenue définitive (Article 822-9 de l’Acte OHADA révisé).
Dans l’hypothèse d’un « coup d’accordéon » dans lequel le capital social serait ramené à zéro avant d’être augmenté, il serait toutefois cohérent de considérer que les droits des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital devront faire l’objet de la mise en œuvre des mesures nécessaires de l’article 822-10, en particulier de telle sorte à ce qu’ils puissent immédiatement participer à l’opération d’augmentation ou en bénéficier.
3. Fusion
Si la société appelée à émettre les titres de capital est absorbée par une autre société ou fusionne avec une ou plusieurs autres sociétés pour former une société nouvelle, ou procède à une scission, les titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital exercent leurs droits dans la ou les sociétés bénéficiaires des apports (Article 822-12 de l’Acte OHADA révisé).
L’assemblée des obligataires n’a dans cette hypothèse pas à se prononcer, sauf stipulations contraires du contrat d’émission.
Le nombre de titres de capital de la ou des sociétés absorbantes ou nouvelles auquel les titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital peuvent prétendre est déterminé en corrigeant le nombre de titres qu’il est prévu d’émettre ou d’attribuer au contrat d’émission en fonction du nombre d’actions à créer par la ou les sociétés bénéficiaires des apports.
Le commissaire aux apports émet un avis sur le nombre de titres ainsi déterminé.
L’approbation du projet de fusion ou de scission par les actionnaires de la ou des sociétés bénéficiaires des apports ou de la ou des sociétés nouvelles emporte renonciation par les actionnaires au droit préférentiel de souscription au profit des titulaires de valeurs mobilières donnant accès de manière différée au capital.
La ou les sociétés bénéficiaires des apports ou la ou les nouvelles sociétés sont substituées de plein droit à la société émettrice dans ses obligations envers les titulaires desdites valeurs mobilières.
Réunion des porteurs en une masse spécifique aux valeurs mobilières composées
Les titulaires de valeurs mobilières donnant accès à terme au capital, après détachement, s’il y a lieu, des droits du titre d’origine, sont groupés de plein droit, pour la défense de leurs intérêts communs, en une masse qui jouit de la personnalité civile et est soumise à des dispositions identiques à celles qui sont prévues pour la masse des obligataires (Article 822- 14 de l’Acte OHADA révisé).
Lorsque le titre d’origine est une obligation, la masse ne se voit ainsi constituée que lors du détachement des droits d’accès au capital. Il est formé, s’il y a lieu, une masse distincte pour chaque nature de titres donnant les mêmes droits.
Ayant pour objectif la protection des intérêts de ses membres, la masse permettra également à l’émetteur d’avoir une personne avec qui discuter d’éventuelles modifications du contrat d’émission.
En effet, les assemblées générales des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital sont appelées à autoriser toutes modifications au contrat d’émission et à statuer sur toute décision touchant aux conditions de souscription ou d’attribution de titres de capital déterminées au moment de l’émission (Article 822-14 al 2 de l’Acte OHADA révisé).
Chaque valeur mobilière donnant accès au capital donne droit à une voix, les conditions de quorum et de majorité étant celles déterminées pour les assemblées générales extraordinaires (Articles 552 à 554 de l’Acte OHADA révisé).
Les frais d’assemblée ainsi que, d’une façon générale, tous les frais afférents au fonctionnement des différentes masses sont à la charge de la société appelée à émettre ou attribuer de nouvelles valeurs mobilières représentatives de son capital social.
Relevons enfin que lorsque les valeurs mobilières donnant accès au capital sont des obligations destinées à être converties ou remboursées en titres de capital ou échangées contre des titres de capital (OC, ORA ou OCEANE), les dispositions applicables à la masse des obligataires créée selon les dispositions générales applicables aux émissions d’obligations (Article 785 de l’Acte OHADA révisé) s’appliquent sous réserve des dispositions spécifiques propres à la masse des titulaires de valeurs mobilières composées donnant accès au capital (deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’Article 822-14 de l’Acte OHADA révisé).
Droit de communication des documents sociaux
Les titulaires des valeurs mobilières donnant accès au capital disposent, auprès de la société émettrice des titres qu’ils ont vocation à recevoir, d’un droit de communication des documents sociaux transmis par la société aux actionnaires ou mis à leur disposition (Article 822-20 al 1 de l’Acte OHADA révisé).
Le droit de communication est exercé par la masse :
- lorsque les droits à l’attribution d’une quote-part du capital social sont incorporés ou attachés à des obligations, le droit de communication est exercé par les représentants de la masse des obligataires (conformément aux articles 791 et 797 de l’Acte OHADA révisé) ;
- après détachement des droits d’accès au capital du titre d’origine, le droit de communication est exercé par les représentants de la masse nouvellement constituée entre les porteurs des droits d’accès au capital détachés.
Dans tous les cas, les représentants des différentes masses ont accès à l’assemblée générale des actionnaires, mais sans voix délibérative. Ils ne peuvent, en aucune façon, s’immiscer dans la gestion des affaires sociales (Article 822-20 al 4 de l’Acte OHADA révisé).
Droit de communication des documents sociaux
Comme nous l’avons indiqué en introduction, les valeurs mobilières subordonnées étaient déjà « en germe » dans l’ancien acte OHADA sur les sociétés commerciales, mais de façon assez confuse à l’article 822 (seul article du Chapitre IV alors intitulé « autres valeurs mobilières »), qui n’était qu’une reproduction maladroite des dispositions de l’ancien article L. 339-7 de la loi française du 24 juillet 1966 alors en vigueur à l’époque de l’adoption de l’acte Uniforme OHADA sur les sociétés commerciales. L’article 822 faisait d’ailleurs référence aux prêts participatifs, référence heureusement non reprise dans l’Acte OHADA révisé…
L’Article 747-1 de l’Acte OHADA révisé crée une nouvelle catégorie de valeurs mobilières : les valeurs mobilières subordonnées.
Ce nouvel article est en effet inséré dans la section 4 Titre II du Livre 4 de la Deuxième Partie de l’Acte OHADA révisé, intitulée « valeurs mobilières subordonnées », qui prévoit désormais que lors de l’émission de valeurs mobilières représentatives de créances sur la société émettrice ou donnant droit de souscrire ou d’acquérir une valeur mobilière, il peut être stipulé que ces valeurs mobilières ne sont remboursées qu’après désintéressement des autres créanciers.
Dans ces catégories de valeurs mobilières, il peut être également stipulé un ordre de priorité des paiements. Il est donc dorénavant possible de mettre en place en droit OHADA des Titres Super Subordonnés (TSS) qui ne sont remboursés qu’après les autres créanciers, mettant ainsi en place un droit de créance de dernier rang.
La « subordination », terme inspiré du droit anglo-saxon (à ne pas confondre avec le « lien de subordination » caractérisant le contrat de travail), est un vocable nouveau dans le droit OHADA des sociétés.
La faculté de subordination est réservée aux émissions d’obligations (on parlera d’émission d’obligations subordonnées ou super subordonnées), mais est désormais également ouverte aux simples bons de souscription.
Quasi fonds propres
Les titres super subordonnés sont les titres de dette les plus risqués qui offrent, corrélativement, une rentabilité en principe supérieure aux autres titres de dette.
Ces titres, qui peuvent être assimilés à des « quasi fonds propres » (sur le plan prudentiel) en ce qu’ils sont émis à durée indéterminée, ont une rémunération annuelle généralement conditionnée au paiement d’un dividende ou à la réalisation d’un résultat.
Les titres super subordonnés sont généralement émis par des banques pour renforcer leurs capitaux propres. En France, ils ont par exemple été utilisés par l’État en 2009 afin de renforcer les capitaux propres de certaines banques rencontrant des difficultés.
Cela étant, ce type d’émission peut également permettre aux entreprises de renforcer la structure de leur bilan sans affecter leur capital social et tout en préservant leur endettement senior, ouvrant ainsi des alternatives aux autres outils hybrides d’accès au capital des entreprises également mis en place par l’Acte OHADA révisé (actions de préférence notamment, qui affectent le capital social et ont donc un effet dilutif).
Notion à distinguer de la subordination particulière
Enfin, relevons à toutes fins utiles que cette subordination de valeurs mobilières, instituée par le droit des sociétés, ne doit pas être confondue avec les conventions de subordination particulières, pratique contractuelle ayant pour finalité de permettre à un créancier d’être préféré à un autre en dérogeant au classement de droit commun dans l’ordre des paiements des procédures collectives.
Cette pratique contractuelle n’est pas encadrée par le droit OHADA.
François NOUVION
Avocat associé