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TVA en Afrique et partenariats public / privé

Universités fiscales de printemps Oujda – 16 mai 2012

Notion de Partenariat public-privé

Le partenariat public-privé (PPP) peut se définir comme la collaboration, autour de projets, de l’État ou ses démembrements, d’une part, et des entreprises privées, d’autre part.

Il s’agit essentiellement des hypothèses dans lesquelles les entreprises permettent à l’Etat de remplir ses fonctions et de réaliser ses projets avec une plus grande efficacité.

Les PPP sont essentiellement mis en œuvre par le biais d’instruments de nature contractuelle et visent généralement à assurer le financement, la construction, la rénovation, la gestion ou l’entretien d’une infrastructure ou la fourniture d’un service.

Les mécanismes de PPP se développent partout dans le monde, leur rôle dans l’amélioration de la mise en place et de la gestion rationnelle des infrastructures et des services publics dans l’intérêt du développement social et économique durable ayant été mis en avant par la Banque Mondiale1 et la Commission des Nations Unies.

Dans les pays de tradition administrative francophone, peuvent être distingués : 

  1. Les marchés publics, qui ne constituent pas à proprement parler des PPP en ce qu’ils ne réalisent pas un projet mais simplement une livraison de bien ou service à l’Etat ou une entité publique ; Ceux-ci ne sont pas l’objet de cette étude.
  2. Les PPP, mis en place pour réaliser un projet, qui se subdivisent eux-mêmes essentiellement en deux grandes catégories :
  • Les « concessions à paiement privé », portant délégation de service public – le plus fréquemment utilisé en Afrique francophone.

Principales Caractéristiques : le partenaire privé de la personne publique se rémunère lui-même, directement, sur les usagers du service ou de l’ouvrage concédé (recettes, droits d’utilisation, redevances, etc..) ;

En termes de flux financiers, le partenaire privé facture directement les usagers, et non le partenaire public. Il peut le cas échéant recevoir des subventions du partenaire public (ex : subventions d’investissement, d’exploitation).

  • Les « concessions à paiement public ».

Principales Caractéristiques : le partenaire privé est rémunéré directement par la personne publique, au moyen par exemple d’une redevance de gestion de l’infrastructure.

En termes de flux financiers, le partenaire privé facture directement le partenaire public.

Sources de droit fiscal

La fiscalité des PPP résulte bien sûr de l’application des principes de droit commun du Code Général des Impôts et n’a pour l’essentiel pas fait l’objet de législations spécifiques, à l’exception notable du Cameroun qui a adopté une Loi n°2008/009 du 16 juillet 2008 fixant le régime fiscal, financier et comptable applicable aux contrats de partenariat, venue compléter la Loi n°2006/012 du 29 décembre 2006 fixant au Cameroun le régime général des contrats de partenariat.

Le Sénégal avait quant à lui déjà adopté une loi du 13 février 2004 relative aux contrats de construction, exploitation et transfert d’infrastructures (dite loi CET), ne contenant pas elle-même de disposition en matière fiscale mais renvoyant sur ce point au contenu du contrat devant être négocié, en prévoyant que « les contrats CET déterminent les droits et obligations des parties, notamment […] les avantages administratifs, financiers ou fiscaux dont bénéficie l’opérateur du projet ».

Force est en effet de constater qu’à l’instar de ce qui est prévu par la loi CET au Sénégal, les avantages fiscaux des PPP sont pour l’essentiel accordés par voie de dispositions contractuelles, ce qui peut parfois poser difficulté au regard notamment du principe constitutionnel (partagé par la plupart des pays d’Afrique francophone) selon lequel l’impôt est du domaine de la Loi.

Problématiques TVA

Selon les types de PPP choisis, dans lesquels de nombreuses sous-variantes peuvent être imaginées au gré de la grande liberté contractuelle qui les caractérise, deux principales problématiques TVA sont posées :

(i) La facturation de la TVA par le partenaire privé (problématique de TVA « collectée »):

  • Le partenaire public s’acquitte-t-il de la TVA et selon quelles modalités ?
  • Retient-il à la source la TVA ?
  • Existe-t- il un mécanisme spécifique d’exonération ?

Ces problématiques sont essentiellement celles des « concessions à paiement public », dans lesquelles le partenaire privé facture le partenaire public. Elles peuvent plus marginalement concerner les « concessions à paiement privé », lorsque le partenaire privé bénéficie d’une subvention du partenaire public devant être comprise dans sa base imposable à la TVA.

(ii) La récupération de la TVA supportée par le partenaire privé (problématique de TVA « déductible ») :

  • Existe-t-il un mécanisme de remboursement efficace du crédit de TVA généré ?
  • Existe-t-il un mécanisme d’exonération de cette TVA d’amont ?
  • Le partenaire public prend-il en charge cette TVA d’amont ?


Cette problématique est d’une particulière acuité lors de la phase de construction, durant laquelle la société de construction supporte des montants importants de TVA qu’elle ne peut récupérer puisqu’elle n’en collecte pas.

Facturation de la TVA par le partenaire privé

Dans le cadre des « concessions à paiement public »

Hypothèse de travail : Construction par un partenaire privé d’un ouvrage financé par les bailleurs de fonds internationaux (au bénéfice de l’autorité publique devenant propriétaire de l’ouvrage), suivi d’un contrat de gestion de l’ouvrage pendant trois ans par le partenaire privé.

Phase de construction de l’infrastructure

Selon les principes fixés par les bailleurs de fonds internationaux (BAD, WB, etc..), les conventions de financement signées avec les États (ou leurs démembrements) ne supportent que la partie hors droits et hors taxes des opérations projetées.

Cela étant, la TVA, applicable aux opérations de construction selon les principes de droit commun, doit malgré tout être facturée par le partenaire privé au partenaire public, qui va donc la supporter sans que cela ne puisse être financé par les fonds provenant des bailleurs internationaux.

Divers mécanismes spécifiques sont susceptibles de s’appliquer à ces opérations :

  • Émission par l’État d’un « chèque trésor » en règlement de la TVA due sur la construction

Ex: Le Burkina-Faso a institué une régie d’avances auprès de la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique, chargée de :

  • recevoir les fiches de décompte fiscal émises par l’Administration des Impôts, mentionnant le montant de TVA dû par le partenaire public ;
  • émettre en conséquence un « chèque trésor », servant au règlement de ce décompte fiscal auprès du receveur des Impôts.
    Le compte ouvert auprès de la régie d’avance se trouve débité par le crédit du compte du receveur des impôts (Arrêté n°157/MEF/SG/DGTCP/DELF du 23 juin 1998).

En termes déclaratifs, le partenaire privé doit en principe déclarer la TVA collectée dans les conditions de droit commun et s’en acquitter au moyen d’un chèque trésor, ce qui suppose l’émission des chèques à bonne date et un « circuit administratif » bien rôdé.

  • Retenue à la source de la TVA par l’État

    Ex: Le Cameroun a mis en place un système de retenue à la source pour les fournisseurs de l’Etat, des collectivités territoriales décentralisées, des établissements publics administratifs et des sociétés partiellement ou entièrement à capital public, et de certaines entreprises du secteur privé dont la liste est fixée par voie réglementaire.
    La TVA est retenue à la source lors du règlement des factures et reversée à la recette des impôts ou, à défaut, au poste comptable territorialement compétent dans les mêmes conditions et délais appliqués aux autres transactions (Article 149 du CGI du Cameroun).

En termes déclaratifs, le partenaire privé déclare la TVA collectée dans les conditions de droit commun et la déduit corrélativement, sur présentation des documents justifiant de la retenue effectuée.

  • Exonérations sectorielles

Ex: l’Ouganda a mis en place un système d’exonération sectorielle de TVA pour « la fourniture de véhicules spécialisés, usines et machines, études de faisabilité, d’ingénierie, services de consultants et travaux relatifs à l’énergie hydro-électrique, construction de ponts et routes, travaux publics du service de l’eau, agriculture, éducation et santé » (Paragraph 1 (aa) of the second schedule to the VAT ACT).

Nota: une telle exonération ne va pas sans poser de difficulté puisqu’elle affecte la déductibilité de la TVA d’amont supportée sur les achats locaux ou à l’importation, qui devra corrélativement faire l’objet d’une autre mesure dérogatoire (c.f. infra nos commentaires sur la TVA supportée par le partenaire privé), sauf à renchérir le coût du partenariat pour le partenaire public.

Phase de gestion de l’infrastructure

Les prestations de services de gestion d’une infrastructure rendues au partenaire public font le plus souvent l’objet d’une retenue à la source de la TVA par l’État, conformément aux principes généralement définis dans le Code Général des Impôts. Cette retenue à la source varie selon les États.

Ainsi par exemple :

  • Le Cameroun prévoit que la retenue est faite à 100% : L’article 149 du Code Général des Impôts prévoit que « pour les fournisseurs de l’Etat, des collectivités territoriales décentralisées, des établissements publics administratifs et les sociétés partiellement ou entièrement à capital public, et certaines entreprises du secteur privé dont la liste est fixée par voie réglementaire, la taxe sur la valeur ajoutée est retenue à la source lors du règlement des factures et reversée à la recette des impôts ou, à défaut, au poste comptable territorialement compétent »

Afin d’atténuer les effets négatifs que pourrait avoir une retenue à la source de 100% sur la trésorerie des entreprise, le CGI du Cameroun prévoit deux mécanismes correctifs : (i) un remboursement accéléré du crédit de TVA dans cette hypothèse (sous trois mois) ; (ii) la possibilité d’une dispense par le Ministre chargé des Finances pour certaines entreprises potentiellement en situation de crédit structurel de TVA.

  • Le Gabon prévoit une retenue à la source au taux de 60%, permettant ainsi une imputation de la TVA d’amont à hauteur des 40% effectivement collectés ;
  • Le Burkina-Faso, qui avait mis en place une retenue à la source de 80%, l’a progressivement réduite à 20% puis récemment abandonnée.

Dans le cadre des « concessions à paiement privé »

Hypothèse de travail : Construction d’un ouvrage financé par le concessionnaire (partenaire privé exploitant l’ouvrage), bénéficiaire par ailleurs d’une subvention d’investissement du partenaire public.

  • Les revenus de l’exploitation sont soumis au régime TVA de droit commun, dont devront s’acquitter les usagers du service public délégué.
  • Lorsqu’une subvention (d’exploitation, d’investissement, etc..) est perçue par le concessionnaire et figure dans ses produits normalement soumis à TVA, il peut être prévu à titre incitatif que cette subvention sera exonérée de TVA.

Il convient dans cette hypothèse de s’assurer que cette exonération n’impactera pas corrélativement le prorata de déduction du concessionnaire.

Il n’est pas rare que des mesures dérogatoires soient prévues sur ce point particulier lorsque des subventions d’investissement sont octroyées dans le cadre d’un PPP.

Récupération de la TVA supportée par le partenaire privé

TVA supportée au titre de la construction de l’ouvrage

Le constructeur de l’ouvrage, le plus souvent une société créée ad hoc, supporte une TVA significative à l’importation et sur ses achats locaux :

  • qu’il ne pourra déduire qu’ultérieurement, lors du début d’exploitation de l’ouvrage générant un chiffre d’affaire taxable facturé aux utilisateurs (hypothèse classique d’une « concession à paiement privé »);
  • qu’il ne pourra jamais déduire, à défaut pour lui de collecter de la TVA sur ses propres facturations au partenaire public, du fait d’une exonération ou de la mise en place d’un régime fiscal spécifique lié aux facturations faites au partenaire public (ex : « chèque trésor », retenue à la source, c.f. supra).

Or, il apparait que le remboursement du crédit de TVA ainsi généré s’avère le plus souvent délicat à obtenir, notamment du fait de la définition limitée donnée par le CGI des cas effectifs de remboursement.

Cette situation ayant pour conséquence un alourdissement significatif des coûts d’investissement (qui seraient répercutés sur le partenaire public), divers mécanismes spécifiques sont susceptibles d’être mis en place pour atténuer l’impact de la TVA supportée par le partenaire privé et éviter les demandes de remboursement de crédit de TVA souvent délicates en pratique et consommatrices de temps :

  • Exonération par visa préalable (Sénégal, Burkina Faso)

Cette exonération par visa préalable consiste à présenter au visa de l’autorité fiscale les factures ayant trait à la construction de l’ouvrage, qui y accorde son visa préalable justifiant d’un paiement hors taxes.

Cette procédure est notamment mise en place dans des contrats d’infrastructure au Sénégal et au Burkina Faso.

L’octroi du visa préalable est généralement réservé aux factures directement liées à la construction, et parfois limité aux biens s’incorporant directement dans l’ouvrage.

Cette procédure de « contrôle a priori » est toutefois contraignante en pratique, car elle impose un contrôle facture par facture.

  • Prise en charge par le budget du partenaire public (Cameroun, Gabon).

Le régime spécifique mis en place au Cameroun par la Loi n°2008/009 du 16 juillet 2008 (c.f. supra) prévoit qu’« en phase de conception et de réalisation, les avantages fiscaux sont la prise en charge par le budget de la personne publique contractante de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) relative aux importations et aux achats locaux de matériels ».

Sur le plan pratique une demande est adressée aux Autorités Fiscales camerounaises qui délivrent une attestation de dispense de paiement de la TVA, à faire valoir auprès des fournisseurs.

Un régime fiscal similaire est mis en place pour la plupart des contrats d’infrastructure au Gabon, où une loi sur les PPP n’a pas encore été adoptée. Cette procédure, le cas échéant soumise à un contrôle administratif « a posteriori » est très efficace en pratique et permet :

  • d’éviter de générer des problématiques de prorata de déduction chez les fournisseurs, dont les opérations ne sont pas considérées comme exonérées ;
  • de ne pas ralentir les travaux d’infrastructure.

TVA supportée au titre de l’exploitation de l’ouvrage

Lors de l’exploitation de l’ouvrage, la TVA supportée par le partenaire privé est en principe déductible dans les conditions de droit commun.

« Concessions à paiement privé »

Dans les « concessions à paiement privé », la déduction effective de la TVA supportée ne pose pas de difficulté dès lors que le partenaire privé collecte de la TVA dans sa facturation aux usagers du service.

Nota 1 : lorsque des subventions d’exploitation sont versées par le partenaire public et exonérées de TVA, le prorata de déduction de TVA risque de s’en trouver affecté (sauf aménagement contractuel).

Nota 2 : à notre connaissance, aucune législation n’a à ce jour adopté de procédure de transfert au concessionnaire des droits à déduction supportés par le concédant, lorsque celui-ci finance l’infrastructure (voir article 210 I de l’annexe II au CGI français).

« Concessions à paiement public »

Dans les « concessions à paiement public », la déduction effective de la TVA se heurte aux retenues à la source effectuées par le partenaire public conformément aux principes mis en place par le CGI.

Cela étant, divers mécanismes spécifiques « correctifs » peuvent être mis en place à ce titre :

  • remboursement accéléré des crédits de TVA résultant des retenues à la source effectuées (Cameroun, c.f. supra) ;
  • limitation de la retenue à la source à un pourcentage de la facture (60% au Gabon).
François Nouvion
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