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Logistique internationale : entrepôt de stockage et risques fiscaux associés

Attractif pour sa neutralité en matière de droits et taxes de douane avant toute réexportation ou mise à la consommation locale, l’implantation d’un entrepôt de stockage en Afrique subsaharienne peut néanmoins générer un risque de qualification d’un établissement stable fiscal.

Les points clés

Le régime de l’entrepôt de stockage permet d’entreposer des marchandises localement, réputées hors du territoire douanier et sous contrôle des douanes, en suspension de tous droits, taxes et prohibitions, en vue de leur réexportation ou de leur mise à la consommation ultérieure.

Ce régime peut néanmoins présenter des risques de qualification d’un établissement stable imposable à l’impôt sur les sociétés. Il convient notamment d’être vigilant sur la définition conventionnelle applicable (l’analyse varie très significativement d’une convention à l’autre) et le rôle joué par le préposé à la gestion des stocks qui ne doit pas intervenir dans le processus de vente (négociation et signature des contrats, prises de commandes…).

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L’optimisation des flux logistiques par la localisation des stocks au plus près des marchés cibles est un enjeu majeur pour beaucoup d’opérateurs (célérité du processus de vente, gestion de coûts, etc.). Nous présentons ci-après un bref tour d’horizon du régime de l’entrepôt de stockage (ou entrepôt de douane) en Afrique francophone ainsi que des problématiques fiscales posées en matière de qualification d’un établissement stable (ES).

Régime de l’entrepôt de stockage (zones Uemoa et Cemac).

L’entrepôt de stockage est régi par les réglementations régionales : Codes des douanes Uemoa [1] d’une part et Cemac d’autre part [2].

Il permet de stocker les marchandises importées pour une durée déterminée, dans un local soumis au contrôle de l’administration des douanes, en suspension de tous droits de douanes, taxes (notamment TVA) et prohibitions. Les marchandises ainsi entreposées sont réputées hors du territoire douanier. À la sortie de l’entrepôt, elles pays d’où elles ont été importées pour être mises à la consommation localement ou réexportées (sans supporter de droits et taxes locales significatifs).

Les opérateurs internationaux peuvent ainsi entreposer leurs marchandises dans des lieux stratégiques (fonction des pays cibles et des lignes maritimes) pour approvisionner plus efficacement leurs clients du continent sans surcoût douanier ou fiscal significatif dans le pays de l’entrepôt.

Il existe trois catégories d’entrepôts de stockage : l’entrepôt public (mis en place par les Autorités), privé ou spécial.

Très peu d’entrepôts publics ayant été mis en place par les Autorités dans les zones Uemoa et Cemac, les opérateurs se tournent vers les entrepôts privés (ou spéciaux pour les marchandises nécessitant des précautions particulières).

L’autorisation d’ouvrir un tel entrepôt peut être accordée par les autorités douanières compétentes (i) à titre d’entrepôt privé « banal» aux personnes physiques ou morales faisant profession d’entreposer des marchandises pour le compte de tiers ou (ii) à titre d’entrepôt privé aux entreprises de caractère industriel ou commercial pour leur usage exclusif en vue d’y stocker leurs propres marchandises. La procédure d’octroi et les conditions d’exploitation de l’entrepôt privé sont fixées dans chaque État membre par les autorités nationales compétentes.

Si ce régime peut s’avérer attractif, il convient de prendre garde au risque de qualification fiscale d’un ES dans le pays d’implantation.

Risque de qualification d’établissement stable fiscal

Marchandises entreposées « aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison »

La définition d’ES en droit interne est généralement très succincte, conduisant les administrations fiscales à considérer que la seule localisation territoriale de l’entrepôt permet d’imposer à l’impôt sur les sociétés l’activité de vente de marchandises en considérant que cette activité serait facilitée par la présence du stock.

L’existence d’une convention fiscale peut à cet égard se révéler indispensable car les conventions reprenant le modèle OCDE prévoient que des stocks de marchandises entreposées « aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison » ne constituent pas un ES [3].

Une grande attention est toutefois à porter à la rédaction de la convention car certaines signées avec les pays de la zone Uemoa et Cemac prévoient au contraire qu’un tel stock constitue un ES [4].

L’analyse est également à mettre en perspective avec les termes de la convention fiscale multilatérale OCDE en cours de ratification par les États et la nouvelle version du modèle de convention fiscale de l’OCDE (approuvée en 2017) qui prévoient notamment que ces stocks ne constituent pas un ES à condition que cette activité ait « un caractère préparatoire ou auxiliaire ».

Notion d’agent dépendant

Les conventions fiscales signées par les pays des zones Uemoa et Cemac prévoient généralement, conformément au modèle OCDE, qu’une entreprise peut disposer d’un ES dans un pays si elle y exerce son activité via un agent dépendant, agissant pour son compte et disposant de pouvoirs lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise. Certaines conventions précisent en outre que l’agent dépendant est notamment réputé exercer de tels pouvoirs lorsqu’il dispose «habituellement d’un stock de produits ou marchandises appartenant à l’entreprise au moyen duquel il exécute régulièrement les commandes qu’il a reçues pour le compte de l’entreprise »[5].

Il est en conséquence impératif de veiller à ce que le préposé à la gestion du stock (bien qu’éventuellement employé par le prestataire local) n’intervienne aucunement dans le processus de vente en appui ou support local (négociation et signature de contrats, prises de commandes, etc.) pour le compte de l’entreprise [6].

Conclusion

Le régime de l’entrepôt de stockage peut s’avérer un véritable atout opérationnel si le risque fiscal de qualification d’un ES peut être circonscrit. À défaut, certains opérateurs peuvent être tentés de se rapprocher du marché africain tout en restant dans l’Union Européenne (Canaries, Algesiras – les conventions fiscales avec l’Espagne reprenant pour l’essentiel le modèle OCDE).

[1] Benin, Burkina Faso, République de Côte d’Ivoire (RCI), Guinée – Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo.

[2] Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale et Tchad.

[3] Ex : conv. RCI – Suisse, Gabon – France.

[4] Ex : conv. RCI/Togo/Cameroun – France.

[5] Ex : conv. RCI/Togo/Cameroun – France.

[6] Prendre garde également sur ce point à la convention fiscale multilatérale en cours de ratification prévoyant qu’un ES est constitué lorsque « l’agent conclut habituellement des contrats ou joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats qui, de façon routinière, sont conclus sans modification importante par l’entreprise […] ».

François Nouvion
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