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La réforme du droit OHADA des sûretés mobilières

Interview par l’agence Ecofin (www.agenceecofin.com)

Après plus de treize ans d’application, il s’avérait nécessaire d’améliorer et moderniser le régime des garanties (sûretés) applicable dans les Etats Membres de l’OHADA.

Cette réforme, qui entrera en vigueur d’ici le 15 mai 2011, a pour objectif de doter la zone OHADA d’outils efficaces et innovants de garantie, afin de faciliter les financements dont on sait qu’ils sont un élément clé du développement du secteur pétrolier.

Quelles sont les clés de la réforme du gage et du nantissement ?

La réforme propose un changement profond des concepts juridiques, puisque les gages et nantissements se définiront dorénavant par rapport aux biens sur lesquels ils portent (et non plus par la dépossession ou non du débiteur). Les gages portent désormais sur des biens meubles corporels (matières premières, matériel professionnel, etc.) et les nantissements sur des biens meubles incorporels (actions, créances, comptes bancaires, etc.).

L’accent est mis sur la flexibilité, les gages/nantissements pouvant porter sur des biens présents ou futurs et garantir des dettes également présentes ou futures. Le gage est en particulier très étendu puisqu’il pourra être librement consenti sur tout bien restant en la possession du débiteur.

Enfin, il convient de saluer un vrai objectif de simplification, par la constitution de garantie sur un simple écrit (non enregistré) sujet à inscription au Registre du Commerce (RCCM), mais également d’efficacité par la possibilité nouvelle de se faire attribuer conventionnellement le bien gagé/nanti en cas de défaut de paiement, c’est-à-dire sans décision de justice.

La réforme impacte-t-elle les financements en cours ?

Non, le projet de réforme est très clair: les sûretés consenties avant l’entrée en vigueur du nouvel Acte Uniforme resteront en toute hypothèse régies par le droit antérieur jusqu’à leur extinction. En quoi le nantissement d’actions, très utilisé dans les financements pétroliers, se trouve modifié ?
Les banques demandent en effet le plus souvent un nantissement sur les actions de la société pétrolière détenant les permis, en l’absence le plus souvent de garantie efficace portant directement sur les permis eux-mêmes.

Outre les mesures de simplification déjà évoquées, notamment la suppression de l’obligation d’enregistrement, cette sûreté se trouve très largement renforcée par la possibilité pour le créancier de se voir attribuer, sans décision de justice, la propriété des actions en cas de défaut de paiement. Cette attribution n’étant bien sûr possible que sous réserve des éventuelles autorisations administratives exigées par la législation pétrolière.

La possibilité nouvelle pour le créancier de percevoir les dividendes des actions nanties ajoute, en outre, un aspect financier non négligeable à cette garantie. En quoi les garanties sur les stocks d’hydrocarbures se trouvent quant à elles modifiées ?

Le régime du nantissement de stocks d’hydrocarbures, sans dépossession du débiteur, était jusqu’ici difficile à mettre en place. Il était soumis à des contraintes particulièrement lourdes, notamment l’obligation de maintenir la valeur du stock sous peine de remboursement immédiat du prêt – ce qui pose difficulté s’agissant de produits dont les cours sont soumis à fluctuation – et de consigner le prix de vente du stock auprès d’un établissement domiciliataire, avant toute livraison.

La réforme corrige ces deux aspects, en autorisant la constitution d’un gage sans dépossession de matières premières de « droit commun », dans lequel le créancier peut dispenser le débiteur de son obligation de maintenir la valeur du stock (seule une quantité de stock devant être maintenue), et sans obligation de consignation préalable du prix de vente.

Enfin, la possibilité nouvelle de gager des biens futurs rendra en pratique plus aisée la constitution de garanties sur la quote-part de production revenant à la compagnie pétrolière signataire d’un contrat de partage de production, puisque les stocks d’hydrocarbures disponibles dans le pays de production restent bien souvent la propriété, au moins indivise, de l’Etat et des éventuels autres partenaires dans le contrat (CEPP ou Contrat de Transport), empêchant de ce fait la libre constitution de garanties sur ces biens présents.

Y a-t-il des évolutions concernant la possibilité de mettre en place une garantie sur des permis pétroliers ?

Cette question reste très délicate et doit être appréciée au cas par cas, dans le cadre de chaque législation pétrolière nationale. Nous relevons toutefois que la liste des biens meubles incorporels pouvant faire l’objet d’un nantissement, dressée par le nouvel Acte Uniforme, n’est plus limitative. Les titres miniers d’hydrocarbures qui seraient qualifiés de biens meubles incorporels – de même que les droits de créances résultant d’un contrat de partage de production – ne sont donc pas nécessairement exclus…

Quels autres concepts nouveaux sont susceptibles d’intéresser les financements pétroliers ?

De très nombreux autres nouveaux concepts sont introduits (cession de créance à titre de garantie, transfert fiduciaire d’une somme d’argent, nantissement de compte bancaire, statut d’agent des suretés, etc..).

Le nantissement de compte bancaire, déjà utilisé en pratique mais dont le régime n’était pas expressément prévu par l’Acte Uniforme, constituera une sûreté très efficace sur les comptes sur lesquels seraient domiciliés les recettes d’exportation, en particulier lorsque celles-ci doivent être rapatriées dans l’État de source en application de la réglementation des changes.

Enfin, la reconnaissance de la notion d’agent des sûretés agissant au profit d’un pool bancaire permettra, lorsque cela est nécessaire, de faire intervenir en toute sécurité juridique l’agent des suretés vis-à-vis des Autorités Pétrolières, notamment lorsque des autorisations spécifiques sont requises par la loi pétrolière ou le contrat pétrolier, pour la mise en place ou l’exécution des garanties consenties.

François Nouvion
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