Contrôle fiscal et contentieux fiscal
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15 questions-réponses clés du contrôle fiscal et du contentieux fiscal
Vous trouverez ci-dessous les réponses aux principales questions que se posent généralement les contribuables confrontés à un contrôle fiscal en France.
1. Eléments déclencheurs d'un contrôle fiscal
S’agissant des contribuables français, un contrôle fiscal peut être déclenché par divers faits ou circonstances : un contrôle (sur pièces) des déclarations révélant des anomalies, des renseignements obtenus par l’administration ne concordant pas avec des déclarations, la découverte d’un compte à l’étranger non déclaré, des mouvements bancaires importants suspects, des variations significatives de revenus déclarés d’une année à l’autre, un train de vie ne correspondant pas aux revenus déclarés, des évènements importants mettant en jeu des transferts importants de patrimoine (vente d’immeubles intra-familiales, successions, donations), un changement de résidence, des résultats incohérents avec le secteur d’activité, d’importantes facturations en provenance de pays à fiscalité privilégiée. Il peut s’agir aussi de conséquences « en ricochet » du contrôle fiscal d’un partenaire d’affaires, et bien sûr de dénonciation.
S’agissant des entreprises étrangères, celles-ci peuvent être soumises à plusieurs contrôles administratifs en France, même si elles y opèrent de manière temporaire (par exemple, chantiers ou travaux) ou à partir d’un lieu situé hors du territoire français (par exemple, ventes à distance par internet ou opérations réalisées par l’intermédiaire d’un agent français – tiers ou même filiale).
Généralement, les travaux effectués « sur place » sur le territoire français peuvent d’abord donner lieu à un contrôle de l’inspection du travail sur les conditions / autorisations du personnel, qui lui-même peut conduire à un contrôle de l’URSAFF (administration française chargée du recouvrement des cotisations sociales) mais aussi à un contrôle fiscal, pour s’assurer que l’entreprise étrangère paie bien ses impôts en France.
Il est également désormais courant pour les ventes à distance sur internet (notamment via les plateformes marketplace opérant en France) qu’un contrôle fiscal de la société étrangère soit initié après recoupement des déclarations fiscales des clients de la marketplace ou suite à un contrôle fiscal de la marketplace française elle-même.
Bien que les autorités fiscales françaises n’aient pas toujours obtenu gain de cause à cet égard, des contrôles récents ont permis de caractériser les établissements stables taxables de sociétés étrangères dans leurs filiales françaises agissant en tant qu’agents dépendants :
- Dans une affaire Conversant (rendue par le Conseil d’État le 1er décembre 2020), le Conseil d’Etat a jugé que la filiale française agissait en tant qu’agent dépendant de sa société mère irlandaise (soumise à un taux d’IS de 12,5 %) car » même si elle n’a pas formellement conclu des contrats au nom de la société irlandaise, elle a décidé d’opérations que la société irlandaise n’a fait qu’entériner » ;
- Dans un litige similaire impliquant la société Google France (considérée par l’administration fiscale française comme agissant en tant qu’agent dépendant de Google Irlande caractérisant donc un établissement stable français de celle-ci). Si Google a eu gain de cause devant les juridictions de première instance et d’appel (en juillet 2017 et avril 2019), la société a finalement choisi de transiger en signant une convention judiciaire d’intérêt public avec l’État français pour un montant de 500 millions d’euros, plus un autre accord avec l’administration fiscale française qui s’élève à 465 millions d’euros. La possibilité de signer une convention judiciaire d’intérêt public CJIP a été introduite par l’article 22 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence et à la lutte contre la corruption. Par la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018, elle a été étendue aux affaires de fraude fiscale. Selon la CJIP, il peut être mis fin aux actions judiciaires en contrepartie du paiement d’une amende.
Le schéma économique et la situation factuelle doivent être rigoureusement analysés, il ne s’agit pas seulement d’une question de qualification juridique.
Récemment, le Conseil d’Etat a caractérisé l’établissement stable (imposable) en France d’une société chypriote par l’intermédiaire d’un agent dépendant français (bien que cet argument n’ait pas été invoqué par l’administration fiscale). Il a été considéré que « la direction et la coordination administrative et opérationnelle des salariés mis à disposition » d’une société française étaient assurées exclusivement par du « personnel installé en France mis à la disposition de la société française, le personnel du siège n’intervenant que pour la réception des documents contractuels et l’émission de l’avis d’appel d’offres. » (CE 5 juillet 2022, n°458293, Société Bouygues TP).
2. Vous avez fait l'objet d'une perquisition fiscale ?
Les agents des impôts disposent, selon l’article L16 B du Livre des procédures fiscales (LPF), d’un droit de visite et de saisie (perquisition fiscale) en tous lieux, même privés, pour la recherche d’infractions en matière fiscale.
Sur demande, l’administration saisit d’abord le juge français pour qu’il autorise la procédure. L’autorisation du juge n’est accordée que s’il existe des présomptions que l’entreprise étrangère se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur les recettes, les revenus ou du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Il s’agit d’une procédure particulière et complexe, véritable arme à la disposition des autorités fiscales. Elle doit être distinguée de la procédure de vérification de comptabilité (art. L. 47 du LPF) et de la procédure d’enquête visée à l’article L. 80 F de ce code, ainsi que de la perquisition pénale prévue par les dispositions des articles 56, 67 et 96 du code de procédure pénale français. En effet, la procédure de visite domiciliaire a pour seul objet de permettre, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, le seul prélèvement ou la seule saisie de documents en relation directe avec la fraude recherchée, sans qu’il soit procédé à un contrôle ou à un interrogatoire sophistiqué, ce dernier se limitant à l’indication du lieu où se trouvent les documents.
La visite domiciliaire ne constitue pas en soi un contrôle fiscal. Il s’agit d’une procédure autonome que l’administration peut mettre en œuvre en amont et en option d’un contrôle.
Néanmoins, les visites et saisies évoquées à l’article L.16 B du LPF sont presque toujours un préalable à un contrôle fiscal et à la saisie, après redressement, de la Commission des infractions fiscales en vue d’une inculpation pénale pour fraude fiscale (article 1741 du Code général des impôts).
La perquisition fiscale ne peut avoir lieu qu’entre 6 heures et 21 heures. Les agents des impôts doivent être accompagnés d’un officier de police judiciaire. Ils peuvent rechercher en tous lieux (locaux professionnels, chantiers, domiciles privés, etc.) les objets et documents relatifs aux actes frauduleux, quel qu’en soit le support. Elle s’effectue en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant. En cas d’impossibilité, l’officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes placées sous son autorité ou celle de l’administration fiscale.
A l’issue de la perquisition fiscale, un procès-verbal de la procédure suivie et l’intégralité des documents saisis sont remis au contribuable.
Deux recours contre cette procédure de perquisition fiscale sont à votre disposition : (i) l’un contre les opérations de visite et de saisie » sur place « , à introduire dans les 15 jours de la remise ou de la réception du procès-verbal, et (ii) l’autre contre l’ordonnance du juge qui a autorisé la perquisition fiscale, à introduire dans les 15 jours de la notification formelle de l’ordonnance.
En tout état de cause, quel que soit le caractère préjudiciable des documents saisis, il est vivement conseillé d’introduire ces actions judiciaires pour contester les présomptions de fraude de l’administration et plus généralement pour présenter la position de l’entreprise (productions de justifications et d’arguments de défense adéquats) en prévision de la mise en œuvre probable d’une procédure plus complète.
3. Vous avez reçu une demande de régularisation d’un compte détenu à l’étranger?
En accompagnement des mesures de libération du contrôle des changes datant des années 90, le législateur a institué une obligation de déclaration des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger (CGI art. 1649 A).
Cette obligation est sanctionnée par :
- une amende fixe : 1 500 € par compte non déclaré, dans le cas général ; amende portée à 10 000 € par compte non déclaré lorsque l’obligation déclarative concerne un État ou territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires ; cette amende est applicable en cas de non-dépôt de la déclaration ou en cas de déclaration incomplète et pour chaque année non prescrite au titre de laquelle l’infraction est mise en évidence (BOI-CF-INF-20-10-50 n° 20) ;
- la mise en œuvre d’une présomption législative par laquelle les sommes, titres ou valeurs transférés à l’étranger ou en provenance de l’étranger par l’intermédiaire de comptes non déclarés constituent, sauf preuve contraire devant être rapportée par le contribuable, des revenus imposables ;
- une majoration de 80 % : les rappels d’impôt sont assortis, outre l’intérêt de retard, d’une majoration de 80 % qui s’applique aux droits dus en cas de rectification du fait des sommes figurant ou ayant figuré sur un ou plusieurs comptes qui auraient dû être déclarés ; le montant de cette majoration ne peut être inférieur au montant de l’amende fixe de 1 500 € ou 10 000 €;
- le refus de l’imputation de certains déficits.
Le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due lorsque les comptes ouverts, détenus utilisés ou clos hors de France n’ont pas été déclarés. Toutefois, cette extension de délai ne s’applique pas lorsque le contribuable apporte la preuve que le total des soldes créditeurs de ses comptes à l’étranger n’a pas excédé 50 000 € à un moment quelconque de l’année au titre de laquelle la déclaration devait être faite.
4. Vous avez fait l'objet d'un contrôle fiscal (vérification de comptabilité, ESFP) et venez de recevoir une proposition de rectification ?
L’administration fiscale française peut, en vertu de l’article L 13 du LPF, procéder à un contrôle fiscal de votre entreprise (initié par la notification formelle d’un avis de vérification auquel est jointe une charte des droits et obligations du contribuable vérifié).
Si le contrôle est généralement effectué au siège de l’entreprise, pour les entreprises étrangères sans présence physique en France le contrôle s’effectue principalement par l’exercice du droit de communication de l’administration fiscale, à l’entreprise elle-même, aux tiers (clients, banques, places de marché, agents, etc.), mais aussi très souvent par la mise en œuvre de l’assistance administrative internationale de l’administration fiscale de l’Etat du siège de l’entreprise.
En raison de son très large réseau de conventions de double imposition, l’administration française obtient généralement la communication d’informations par ce biais. Lorsqu’elle envisage de procéder à un redressement, l’administration vous envoie d’abord une « proposition de rectification ».
Vous disposez d’un délai de 30 jours (porté à 60 jours sur demande) pour faire part de vos observations. Ensuite, l’administration notifie sa « réponse aux observations du contribuable » en indiquant si elle maintient ou non les redressements proposés.
En cas de désaccord entre vous et l’administration fiscale, vous pouvez également demander un entretien avec le supérieur hiérarchique des vérificateurs, voire déposer un recours auprès d’une commission départementale (habilitée à émettre des avis sur les redressements – généralement suivie par l’administration) si votre désaccord persiste malgré ces échanges. Ces actions doivent être exercées avant l’émission du titre de recouvrement formel (voir ci-dessous).
A l’issue de la procédure de contrôle, si les redressements sont maintenus, un avis de mise en recouvrement (AMR) sera émis. Après cette émission, une procédure de contentieux peut être engagée (voir ci-dessous).
5. Vous n'avez pas répondu aux demandes de l'administration fiscale française et celle-ci a mis en œuvre la procédure d'imposition d'office ?
La procédure de redressement est en principe contradictoire et se caractérise par un dialogue entre l’administration et le contribuable.
Toutefois, en l’absence de déclaration en temps utile ou de réponse aux demandes d’éclaircissements et de justifications, l’administration peut mettre en œuvre la procédure d’auto-évaluation qui lui permet d’établir elle-même les impôts dus sur la base des seules informations dont elle dispose. La charge de la preuve est alors inversée et c’est le contribuable qui doit prouver que les montants réévalués sont exagérés. Cette procédure unilatérale a également pour effet de priver le contribuable de son droit de saisir le superviseur des vérificateurs.
Il convient de noter que le contribuable ne peut faire l’objet d’une procédure d’autocontrôle automatique que si l’administration l’a préalablement mis en demeure de régulariser sa situation (sauf s’il a également manqué à son obligation de se faire connaître auprès d’un centre de formalités des entreprises).
Si l’entreprise refuse de répondre aux demandes de l’administration, elle s’expose également aux conséquences de l’opposition à contrôle fiscal (pénalité de 100 % notamment).
Il est donc fortement conseillé de coopérer avec les demandes de l’administration fiscale et d’établir un dialogue constructif.
6. L'administration fiscale française a appliqué une pénalité de 80 % pour l'exercice d'une activité occulte ?
En ce qui concerne les sociétés étrangères qui n’ont pas déposé de déclaration en France (c’est le cas lorsqu’un établissement stable a été caractérisé), il est désormais très fréquent que l’administration fiscale française applique la pénalité de 80% (article 1728-1.c du CGI) pour activité occulte au motif que la société n’a pas fait connaître son activité à un centre français de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce français.
Dans certaines situations, cette pénalité de 80% apparaît contestable. C’est notamment le cas dans le cadre d’une procédure à l’encontre d’une société étrangère dûment enregistrée dans l’UE et qui a déjà payé ses impôts sur les revenus que l’administration française entend imposer en France. Il convient donc de contester cette qualification d’activité occulte et l’application correspondante de la pénalité de 80%.
La jurisprudence en la matière met l’accent sur la bonne foi du contribuable en cristallisant le débat sur le caractère intentionnel de la dissimulation.
La qualification d’une activité occulte (par exemple un établissement stable non déclaré) est une situation particulièrement périlleuse puisque la prescription est portée à 10 ans dans ce cas (art. 169 par. 2 du LPF).
7. Comment contester devant le tribunal les redressements fiscaux maintenus ?
Lorsque l’administration maintient les redressements et émet un avis de mise en recouvrement (AMR), vous disposez d’un délai de 3 ans (jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit celle de la notification de l’AMR) pour le contester.
Pour contester les montants recouvrés, vous devez adresser à l’administration une réclamation contentieuse. En cas de notification d’une réponse formelle de rejet, vous disposez d’un délai de 2 mois pour introduire une réclamation devant le tribunal administratif compétent. Après un délai de silence de 6 mois, l’absence de réponse de l’administration fiscale vaut rejet de votre réclamation.
La procédure contentieuse est assez longue. En moyenne, il faut compter au moins un an pour obtenir une décision du tribunal administratif, puis un à deux ans de plus en cas d’appel et enfin au moins une année supplémentaire pour obtenir une décision du Conseil d’Etat.
8. En cas de contestation de l'imposition devant le tribunal administratif, est-il possible d'obtenir un sursis de paiement des impôts réévalués jusqu'à ce que le litige soit résolu ?
Les recours contentieux ne sont pas, par eux-mêmes, suspensifs de paiement. En cas de litige, vous devez donc en principe payer le montant des droits en principal et le montant des amendes ou pénalités appliquées dans le délai légal.
Toutefois, la loi permet de demander un sursis de paiement. Pour ce faire, il est obligatoire d’insérer formellement dans votre réclamation une demande de sursis de paiement. Ce sursis de paiement est un droit.
Toutefois, l’administration vous demandera de fournir des garanties précises. En l’absence de garanties ou si les garanties offertes sont jugées insuffisantes, l’administration peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés (saisies conservatoires…) Dans ce cas, le contribuable peut encore demander au juge un référé-suspension prévu à l’article L. 521-1 du code de justice administrative pour le recouvrement des impôts.
Si le sursis est accordé mais que le contribuable n’obtient pas gain de cause en dernier ressort, des intérêts de retard devront être payés.
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9. Je fais l’objet d’une double imposition en France et dans mon état de résidence du fait d’une divergence d’interprétation de la convention fiscale entre ces deux états parties
La France a signé environ 120 conventions bilatérales fiscales, permettant au contribuable d’engager une procédure amiable, indépendamment des voies de recours interne, lorsqu’il estime avoir subi une double imposition ou une imposition non conforme à la convention signée entre la France et l’Etat en question, dans un délai de 3 ans ( ce délai peut varier en fonction des conventions ) à compter de la première notification de la mesure qui entraîne la double imposition ou une imposition non conforme à la convention concernée. La demande doit être adressée de manière écrite et expresse auprès de l’autorité compétente de l’État dont le contribuable lésé est le résident.
Cette procédure implique que les deux états partis à la convention s’efforcent d’apporter une solution satisfaisante sans pour autant avoir une obligation de résultat.
Si cette procédure n’a pas d’obligation pour les Etats de parvenir à un accord résolvant le contentieux, en 2021, selon un colloque de l’OCDE portant sur la sécurité juridique en matière fiscale, dans 77% des cas, les procédures amiables ont été clôturé et ont résolu le problème litigieux, et seulement 2% des cas n’ont pas été résolu par un accord.
… En cas d’échec de la procédure amiable, quelles autres options sont possibles ?
Pour les conventions ayant été modifiées par l’instrument multilatéral, comme celle de la France avec l’Autriche par exemple, il est prévu qu’à défaut d’accord amiable une procédure d’arbitrage contraignante puisse être introduite. Les Etats sont invités à admettre que, après une phase initiale de procédure amiable qui ne peut excéder 2 ans, les questions non résolues par accord amiable soient soumises à un arbitrage si le contribuable en fait la demande écrite pouvant être formulée à tout moment une fois écoulée la période de deux ans précités.
A l’échelle de l’Union Européenne, la Convention européenne d’arbitrage apporte une réponse en prévoyant une procédure d’élimination de la double imposition en matière de prix de transfert. Elle implique elle aussi de faire suite à une procédure amiable ayant échouée au bout de deux ans.
Toutefois deux conditions doivent être respectée : la réclamation doit paraitre fondée et l’Etat ne doit pas être en mesure d’y apporter seule une solution satisfaisante.
En revanche, la convention européenne d’arbitrage prévoit des modalités de saisine plus larges que celles prévues par les conventions fiscales bilatérales, puisque l’entreprise peut saisir l’autorité compétente de l’Etat qui a opéré le redressement ou celle de l’entreprise qui subit la double imposition.
10. Dans quels cas une affaire fait elle l'objet de poursuites pénales automatiques ?
L’administration fiscale est tenue de signaler au procureur de la République les faits qui ont conduit à l’application des dispositions suivantes aux droits supérieurs à 100 000 € :
- Soit la majoration de 100 % prévue en cas d’opposition à vérification (CGI, art.1732) ;
- Soit la majoration de 80 % prévue dans divers cas d’activités occultes, d’abus de droit ou de manœuvres frauduleuses (CGI, art. 1728, 1, c, art. 1729, b et c, art. 1729-0, A, I ou art. 1758, dernier alinéa) ;
- Soit la majoration de 40 % prévue aux articles 1728 1 b ou 1729 b et c du CGI, lorsqu’au cours des six années civiles précédant son application, le contribuable a déjà fait l’objet de l’application des majorations précitées ou d’une réclamation de l’administration.
Toutefois, si le montant des « intérêts en jeu » est inférieur à 100 000 €, des poursuites pénales peuvent encore être engagées sur la base d’une plainte préliminaire de l’administration fiscale, après avis conforme de la Commission des infractions fiscales.
11. Est-il possible de négocier un règlement de la dette fiscale ou un paiement échelonné ?
Une transaction avec l’administration fiscale, comportant des engagements écrits de part et d’autre, ne peut en principe porter que sur le montant des pénalités portant sur les impôts directs.
Sur demande, l’administration fiscale peut accepter un plan d’échelonnement ; une entreprise étrangère devra, pour l’obtenir, prouver l’existence de difficultés financières et donner à l’administration fiscale des garanties de paiement suffisantes. La demande doit décrire précisément les modalités de l’échelonnement : notamment la durée (elle ne peut excéder deux ans) et le versement d’un premier acompte significatif.
La possibilité de signer une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) a été introduite par l’article 22 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence et à la lutte contre la corruption. Par la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018, son champ d’application a été étendu aux affaires de fraude fiscale. Selon la CJIP, il peut être mis fin aux actions judiciaires en contrepartie du paiement d’une amende.
12. Peut-on me refuser la déduction des factures émises par une entreprise située dans un État à fiscalité privilégiée ?
La déduction en France des sommes versées à l’étranger peut être refusée en France, si le pays de destination est un « Etat fiscal privilégié » au sens de l’article 238 A du CGI. En réalité, il ne s’agit pas de considérer le pays dans son ensemble, mais de déterminer si le bénéficiaire du versement est soumis à des impôts sur les bénéfices inférieurs de 40 % à ceux dont il aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France s’il y avait été établi.
La charge de la preuve que le bénéficiaire de la rémunération en question est soumis à un régime fiscal privilégié incombe à l’administration fiscale. L’administration fiscale doit être en mesure de fournir des informations détaillées relatives non seulement au taux d’imposition appliqué, mais aussi à l’ensemble des conditions dans lesquelles des activités comparables à celles exercées par le bénéficiaire des sommes en question sont imposées dans le pays où il est domicilié ou établi.
Si l’administration fiscale est en mesure d’apporter cette preuve, la déduction de ces dépenses n’est admise qu’à condition que le débiteur français puisse établir qu’elles correspondent à des opérations réelles et qu’elles ne sont pas anormales ou exagérées.
Enfin, il convient de noter que ces conditions de déduction sont encore renforcées dans le cas où les sommes sont versées à des bénéficiaires établis dans l’un des États ou territoires non coopératifs (ETNC).
13. Ma résidence fiscale à l'étranger est contestée parce que je ne suis pas actuellement imposé dans mon pays de résidence.
Les conventions fiscales bilatérales, suivant le modèle de l’OCDE, définissent un « résident d’un État contractant » comme « toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l’impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ».
Le Conseil d’Etat interprète la condition d’assujettissement à l’impôt, prévue par les dispositions des conventions fiscales définissant la notion de résident d’un Etat contractant, comme impliquant non seulement l’inclusion dans le champ d’application de l’impôt mais aussi la soumission à l’impôt, entendue comme l’absence d’exonération structurelle.
Le bénéfice d’une convention fiscale peut donc vous être refusé si, dans votre État de résidence, vous êtes structurellement exonéré de l’impôt.
L’assujettissement à l’impôt au sens des dispositions définissant la résidence ne se confond pas avec le paiement effectif de l’impôt. Il suffit que la personne soit assujettie à l’impôt sans en être structurellement exonérée pour qu’elle soit considérée comme assujettie à l’impôt au sens conventionnel, dès lors que cet assujettissement comporte un risque de double imposition qui n’est pas structurellement exclu et qui justifie en principe la protection conventionnelle, même s’il ne s’est pas effectivement concrétisé.
Dans un arrêt récent (CE 2 février 2022, n° 443018, Sté Observatoire d’économie appliquée) il a été jugé qu’une société tunisienne ayant son siège à Tunis n’était exonérée de l’impôt que sur les bénéfices provenant des exportations, mais pas sur les bénéfices provenant des activités exercées en Tunisie, alors qu’elle n’avait réalisé aucun chiffre d’affaires sur le marché local au cours de la période concernée, et qu’elle était donc soumise à l’impôt sur les sociétés en Tunisie au titre de ses activités. La société doit donc être considérée comme résidente de Tunisie.
14. Taxe de 3 % sur les biens immobiliers détenus par certaines personnes morales : Dois-je justifier la composition de l'actionnariat ?
Toutes les personnes morales françaises ou étrangères qui possèdent, directement ou par personne interposée, un ou plusieurs immeubles (ou droits réels sur ces immeubles) en France sont redevables d’une taxe égale à 3 % de la valeur vénale des immeubles concernés (CGI, art. 990 D et suivants).
Une exonération de cette taxe est prévue pour les personnes morales dont le siège social est situé en France, dans l’Union Européenne ou dans un État ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et qui remplissent des obligations déclaratives (CGI, article 990 E, 3° d), c’est-à-dire qui communiquent, ou qui prennent l’engagement de communiquer, à l’administration diverses informations concernant les associés (identité et adresse notamment) qui lui permettront de soumettre, le cas échéant, les associés à l’impôt sur la fortune ou aux droits de mutation à titre gratuit à raison de la transmission des actions ou parts (également, le cas échéant, à l’imposition des plus-values).
Il résulte de la jurisprudence que c’est au contribuable d’apporter des éléments probants justifiant de la réalité de sa déclaration et que l’administration n’a pas à prouver l’inexactitude de la déclaration, mais doit seulement démontrer que les éléments produits sont insuffisants à en rapporter la preuve ; les preuves produites doivent, avec date certaine, être antérieures ou à tout le moins contemporaines de la date du fait générateur de l’impôt.
L’administration rappelle qu’afin de s’assurer du bien-fondé de l’exonération de taxe de 3 % elle peut demander à l’entité juridique concernée de justifier de l’identité et de l’adresse de ses actionnaires, associés ou porteurs de parts ainsi que du nombre des actions, parts ou droits détenus par chacun d’eux au moyen du ou des justificatifs qui seront nécessaires (BOI-PAT-TPC-20-20 n° 570) ; les documents de nature à apporter cette justification sont notamment :
- les actes sociaux déposés auprès des juridictions ou services publics de l’État ou du territoire de résidence de l’entité en cause, tels que : extrait du registre du commerce ou équivalent, statuts, registres sociaux imposés par le droit des sociétés du pays concerné (délibérations des assemblées d’associés ou d’actionnaires et des organes de direction, procès-verbaux d’assemblée générale, de conseil d’administration ou de surveillance…) ;
- les déclarations déposées auprès des autorités fiscales de l’État ou du territoire de résidence de l’entité lorsqu’elles apportent ces informations ;
- les documents authentifiés par un membre d’une profession réglementée constatant la répartition des titres et les mouvements de titres (registres de titres nominatifs ou de mouvement de titres), ainsi que tout justificatif tenant aux mouvements financiers liés aux actes de cessions, d’acquisitions de titres, augmentations ou réductions de capital ;
- tout autre document officiel délivré par l’administration étrangère précisant l’identité, l’adresse des actionnaires, associés ou porteurs de parts et le nombre de parts ou droits détenus.
15. L'État français conteste le lieu de résidence de ma société holding
En principe, les conventions fiscales prévoient que pour les personnes morales, le critère pertinent pour définir la résidence fiscale est le lieu de direction effective.
Du côté français, le Conseil d’Etat avait déjà, dans sa décision société Compagnie internationale des wagons-lits, précisé que « le siège de direction s’entend du lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prennent les décisions stratégiques qui déterminent la conduite des affaires de cette entreprise dans son ensemble » (Conseil d’État, 10ème – 9ème SSR, 07/03/2016, 371435).
Une décision récente, qui redéfinit les critères permettant de caractériser le siège de direction effective d’une holding en France lorsque son siège est situé à l’étranger, a confirmé que des holdings étrangères (en l’espèce, le siège d’une société était basé au Luxembourg) devaient être considérées comme résidentes fiscales françaises s’il était établi – à la suite de recherches L16 B et notamment par l’étude des documents de gestion financière et fiscale – que les principales décisions stratégiques étaient prises depuis la France par deux cofondateurs, tous deux domiciliés en France depuis les sièges parisiens d’autres sociétés françaises du groupe ; le fait que les assemblées générales et les réunions du conseil d’administration se tenaient dans l’Etat du siège social (au Luxembourg) ne suffisait pas à établir l’effectivité du lieu du siège de direction, ladite société holding étant par ailleurs dotée de faibles moyens humains et matériels au Luxembourg (un bureau de 13 m2 loué à une société de domiciliation de sociétés, une seule employée comptable présente 10 heures par semaine, également employée par la société de domiciliation, des relevés périodiques des comptes bancaires détenus par la société effectués par des banques luxembourgeoises adressés à un cabinet comptable parisien). Cette décision illustre la rigueur avec laquelle les tribunaux examinent les faisceaux d’indices utilisés pour établir le lieu de direction effective d’une société holding.
Le débat avec l’Etat français est essentiellement une question de fait, mais on peut retenir de cette jurisprudence que si le lieu où se tiennent les conseils d’administration d’une société peut constituer un indice pour l’identification d’un siège de direction, cet élément ne suffit pas à lui seul, par rapport aux autres éléments du dossier, à le déterminer, et que le siège social n’est pas de jure le siège de direction effective.
Les éventuelles retenues à la source prélevées par les autorités locales ne peuvent donner lieu à un crédit d’impôt en France en vertu de la convention fiscale bilatérale entre les deux États concernés. En revanche, en droit interne français, il est possible de déduire l’impôt payé dans l’autre État sur les distributions de dividendes, l’article 122 du CGI prévoyant qu’un dividende imposé en France est un dividende net de cet impôt étranger.
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Notre équipe
François NOUVION
Avocat associé
Avocat au barreau de Paris
Magistère–DJCE de Droit des affaires et fiscalité, Université Panthéon-Assas, Paris
Membre de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF) et chargé de cours de fiscalité à la Sorbonne. Auteur de nombreux articles en matière de fiscalité internationale.
Il parle couramment français, anglais et espagnol et travaille indifféremment dans les trois langues.
Ce que ses clients
disent de lui :
Lyes Kaci
Avocat au barreau de Paris
Master 2 de l’Université Paris Sorbonne en Droit fiscal et en Droit des affaires, il a rédigé son mémoire de recherche sur “La modernisation de l’administration fiscale et l’entreprise”, en lien avec la dématérialisation des échanges et des procédures dans le domaine de la fiscalité.
Il parle couramment français et anglais et travaille indifféremment dans les deux langues.
Iris de Soras
Avocat au barreau de Paris
Diplômée de la Skema Business School et d’un Master en droit des affaires.
Ses dix années d’expérience professionnelle ont enrichi sa connaissance des sujets de fiscalité personnelle et des entreprises.
Elle parle couramment français et anglais et travaille indifféremment dans les deux langues.